High Rise
J’ai appris il y a peu un nouveau terme pour désigner certains jeux : les « OK Games ». Des jeux à qui on a rien à reprocher, qui font le taf, à la mécanique correcte, auxquels on accepte de rejouer sans rechigner, mais qui ne procurent aucune grosse sensation ou envie d’y rejouer à court ou moyen terme. Je n’ai pas l’impression que ce soit un compliment, alors que cela signifie une forme de réussite pour le jeu, vu qu’on ne s’en plaint pas, car au final il ne suscitera pas l’engouement malgré le travail accompli correctement. Vaut-il mieux faire un jeu clivant ou un Ok Game ? Parler d’un jeu n’est-il pas plus important, en bien ou en mal, pour exister, car il y aura toujours des gens pour vous défendre ? Vaste débat. Aussi, parlons-nous ici des jeux, qu’ils soient top, OK ou sujet à controverse.
High Rise est signé par Gil Hova, chez Formal Ferret Games sa propre boîte d’édition, à qui l’on doit surtout The Networks et ses extensions. Il a fait confiance à Heiko Günther et Kwanchai Moriya pour les illustrations. Si les deux ont déjà participé à beaucoup de jeux, seul le deuxième a quelques noms connus de nos contrées dans son artbook : Dinosaur Island, In the hall of the Mountain King, Prêt à Porter.
High Rise vous propose de participer à la construction des plus hauts immeubles d’une ville fictive (sans nom spécifique) sur 3 décennies (manches) de 2010 à 2030. Durant ces décennies, vous déplacerez votre Mogul (un riche magnat des finances en français) sur une piste à sens unique autour du plateau. Comme à Egizia le joueur le plus loin sur la piste joue, avance d’autant de cases qu’il veut sans s’arrêter sur une déjà occupée, et active la case d’arrivée.
La petite différence avec d’autres jeux à la même mécanique est que vous ne pouvez pas activer plusieurs cases d’une même zone (bloc aux cases directement adjacentes). Cela force à ne pas traîner en de multiples actions si d’autres joueurs ont rushé pour une case lointaine.
Le plateau est divisé en 4 zones, représentant les 4 gros quartiers de la ville (plus le centre qui n’est pas lié aux cases du plateau). Chaque quartier contient un espace de construction qui vous permettra d’assembler vos immeubles moyennant les différents étages que vous aurez stocké dans votre entrepôt.
Les constructions doivent respecter un cahier des charges (blueprint) modifié de partie en partie, exigeant l’usage de certains types d’étages. Un matériau exceptionnel est utilisé comme joker, vous donnant un étage supplémentaire si usé au bon endroit (tout comme le premier à utiliser un type de plan). La construction des bâtiments vous permet d’activer l’action à laquelle il est associé. Quand la place manque, on détruit le plus petit bâtiment de la région.
En plus de la course aux matériaux-étages il y a une gestion de la corruption qui a lieu pour tous les joueurs. Prendre des actions bonus, construire hors zone ou disposer de plus de matériaux vous occasionnera une prise de corruption, géré sur un tableau propre. En fin de chaque manche et de partie, cela vous procurera des malus ou PV en moins.
En fin de chaque manche, les bâtiments les plus hauts de chaque quartier et de la ville touchent des PV. Il y a cependant une spécificité au jeu qu’est la gestion des égalités. Elles sont ici maximisées dans leur avantage. Comprenez que si les 2 mieux classés gagnent quelque chose et que vous avez 3 égalités (1er) sur 4 bâtiments, les premiers gagnent le montant normal des PV et le 4ième touche aussi la place du deuxième. Cela a un impact majeur sur le jeu, vous faisant comprendre qu’il vaut souvent mieux construire au même niveau qu’un autre pour gagner plus de PV avec tous vos bâtiments en profitant de ces égalités avantageuses.
La rejouabilité est énorme car chaque case d’action est tirée aléatoirement à chaque partie, parmi un large choix différent pour chaque quartier. Ces cases sont parfois accompagnées de cartes à usage unique ou par décennie que l’on peut multiplier pour augmenter les bonus, d’autres fois elles vous proposeront d’augmenter vos ressources. Des bonus « de passage » reviennent aux premiers joueurs à les atteindre, c’est parfois la seule bonne occasion de récolter des super matériaux, d’autres fois une carte spéciale ou de quoi augmenter de deux étages vos bâtiments. C’est toujours une surprise et un choix tactique à prendre.
Il n’y a pas grand-chose à critiquer sur High Rise, sauf peut-être les couleurs choisies pour les étages parfois trop proches l’une de l’autre, contrebalancé par le soucis de les associer à des formes pour aider les daltoniens. Pour le reste, tout y est. Une grande rejouabilité avec les actions tirées au sort à chaque partie, les bonus à récolter qui varient d’une décennie à l’autre, les blueprint aléatoires, les choix sur ses déplacements et leur urgence, la gestion annexe des corruptions, le hasard des étages à tirer dans un sac. Cela donne une bonne alchimie et une mécanique sans grand défaut.
Comment alors expliquer qu’il ne m’apporte pas un grand emballement ? J’ai l’impression de construire ; Il a tout pour m’exciter, de la gestion aux choix à poser ; Le temps passe vite malgré les 45 minutes par joueur. D’autres jeux avec plein de défauts me donnent pourtant plus envie d’y revenir. Est-ce le temps à patienter entre deux coups lors d’un rush qui vous fait sortir du jeu ? Est-ce cette égalité avantageuse qui ne punit pas assez celui qui construit moins haut que vous ? Je ne saurais le dire. C’est un bon jeu, ne vous y trompez pas, un fameux « Ok Game » que je sortirai encore pour d’autres parties dès que quelqu’un le voudra, car il n’y a rien à lui reprocher.
C’est donc une réussite que Gil Hova nous offre là, car il n’est pas simple d’arriver à un bel équilibre dans un jeu qui vise les nuages. Evitez peut-être d’y jouer en extérieur s’il y a un brin de vent, car les bâtiments ont une belle prise à ce dernier malgré le nombre de matériaux utilisés pour leur construction. High Rise touche le haut du panier des jeux à mécanique huilée et pas besoin d’être dans un Penthouse pour vous en rendre compte. 😉