The Gallerist
Quand la communauté vous dit qu’un jeu fait partie du top de ce qui existe chez un auteur donné, vous êtes pris entre espoir de découvrir une œuvre majeure et crainte de la déception. Rare sont les fois où le résultat fini à la hauteur de vos attentes, mais quand dès l’explication des règles vous avez le sourire aux lèvres et dites déjà « C’est bon ! J’aime ! », vous êtes parti pour avoir un grand panard ludique.
The Gallerist est une œuvre majeure de Vital Lacerda, publié chez Eagle-Gryphon Games, avec (comme d’habitude dirais-je) Ian O’Toole Design & Illustration aux illustrations. L’édition originale date de 2015, mais une version Deluxe a été éditée depuis, hélas difficilement trouvable. Ce qui est incroyable, c’est de n’avoir aucun éditeur francophone ayant décidé de le localiser depuis 5 ans !
En tant que Galeriste, vous combinez les compétences d’un conservateur de musée, d’un marchand d’art, d’un publiciste et d’un agent d’artiste. Vaste métier qui est le vôtre. Vous allez donc découvrir de jeunes artistes et exposer leurs toiles, gérer une équipe d’assistants, attirer le public dans votre musée, vendre des œuvres d’art et gagner de l’influence sur le marché international.
Pour ce faire, vous avez un grand plateau avec 4 zones, chacune vous proposant 2 actions possibles. Votre Galeriste se positionnera ainsi à votre tour sur une des 4 zones (pas celle où il se trouve au début du tour) pour activer une de ses actions. Vous avez ainsi accès aux zones suivantes :
• Résidence d’artistes : Soit Découvrir un artiste – Permet un bonus et une signature pour acheter plus tard une œuvre au coût minimum –, soit Acheter une œuvre d’art – Prix du marché et une signature pour suivre l’œuvre du haut de la pile pour cette colonne.
• Bureau Commercial : Soit Prendre un contrat – Un objectif de vente disposant d’une case d’action spéciale à activer –, soit vendre une œuvre – Du type du contrat choisi, pour de l’argent et en renvoyant un visiteur déçu de ne plus voir cette œuvre.
• Media Center : Soit Embaucher des assistants – Contre de l’argent dans la limite des chaises libres -, soit Promouvoir un artiste – Contre votre influence vous faites grimper la valeur marchande d’un artiste.
• Marché international : Soit Prendre une tuile réputation – Envoyer un assistant moyennant conditions récupérer une tuile pour des PV de fin de jeu, des bonus immédiats et de la réputation –, soit Faire une offre pour une œuvre internationale – Envoyer un assistant, payer, gagner de la réputation plus un bonus, et se positionner pour avoir des œuvres de plus en fin de partie pour vos objectifs.
En plus de l’action principale choisie, vous avez droit à une action secondaire (dite exécutive) qui permet d’attirer des visiteurs dans votre musée ou en activant des bonus sur vos cartes de contrat avec des assistants.
Les visiteurs sont une des clés du jeu. De 3 couleurs différentes, ils représentent des investisseurs (marron, pour de l’argent), des VIP (rose, pour la réputation) et des Collectionneurs (blanc, pour la vente d’œuvres et en joker des deux autres revenus). Amenés sur la place centrale à mesure que l’on achète des œuvres d’artistes, ils sont attirés dans votre musée (en deux phases, en passant par l’accueil) via des tickets récoltés à divers endroits du jeu. Les tickets et les visiteurs étant limités, il existe des possibilités de combat entre joueurs via la récupération des meeples dans votre accueil n’ayant pas encore payé leur entrée au musée. Le positionnement des visiteurs (accueil ou musée) est important pour activer certaines actions du jeu.
Le truc extra de Vital est cette gestion des emplacements du jeu. Quand votre galeriste est positionné sur une des 4 zones d’action, il ne la bloque pas pour les autres. Au contraire, il pourra en profiter si un autre joueur désire aussi réaliser une des actions disponibles sur cette zone. Le galeriste « chassé » recevra une action gratuite qui sera exécutive ou, moyennant le paiement d’influence (une descente au palier suivant) la possibilité de réaliser aussi une des deux actions principales. Mais là où le génie se met en œuvre c’est l’option, quand vous n’avez pas été chassé durant tout un tour, de laisser un assistant à l’endroit que vous quittez pour disposer d’un tour complet en espérant être chassé par un autre joueur pour avoir l’action bonus. C’est super ! Cela permet au joueur qui n’est pas dans le rythme du jeu (parce que 4ième par exemple) d’avoir une nouvelle chance de disposer d’une action d’éjection. Excellentissime !
Le jeu se terminera lorsque deux artistes seront devenus célèbres, que tous les visiteurs du sac soient piochés ou que les tickets soient tous vendus. Vous pourrez alors gagner des PV selon vos assistants envoyés à l’international, ainsi que les objectifs de toiles que vous aviez en début de partie. Ces objectifs sont assez complexes pour que vous ayez matière à faire des choix d’œuvres (classés dans 4 styles) pour que tous ne se marchent pas sur les pieds. Génial.
Alors que l’on a l’habitude de jeux parfois complexe pour le plaisir de la part de Vital Lacerda, The Gallerist est un trésor de limpidité et de profondeur. Tout est dans le thème, tandis que les choix, comme voies de développement, sont variés et permettent de se développer tout en jouant avec les autres. Pas d’affrontement direct, mais des courses à certaines positions et des prises d’avantage sur les choix et actions des joueurs.
Une mini extension permet de recevoir un bonus de PV sur objectif à la fin de chaque pile de ticket. Bien qu’elle ne soit pas obligatoire, si vous la trouvez ce sera un plus pour vos parties. La version Deluxe que l’on peut difficilement trouver en seconde main (qui voudrait la revendre ?) apporte des petits plus pour le matériel ou en terme de rangement, mais le plus important est dans la version de base.
The Gallerist est clairement un jeu que les Experts placeront dans leur top 3 de l’auteur, sans doute le plus « sortable » quand ils ont des joueurs d’un soir, tant il est accessible à ceux qui n’aiment pas à gérer trop de micro-règles. Visuellement agréable, thématiquement réussi, c’est une vraie œuvre d’art qui mérite sa cote dans tous les musées. Ne manquez pas votre ticket pour le voir et le toucher.