Brick & Mortar
Je me demande parfois à quoi tient le nom d’un jeu, ce qui fait qu’il est choisi, ce qui fait qu’il est écarté. Pour moi il devrait nous donner une idée de ce qu’il y a dans la boîte (arrêtez de sourire en pensant à Bitoku 😊 ), du type de jeu qui est proposé. Parfois il peut nous intriguer, nous donner envie d’en savoir plus sur son univers car le nom ne nous dit rien (Merv, Tabannusi, Carnegie), mais s’il utilise des termes courants, il devrait au moins être en rapport direct, non ?
Brick & Mortar est le premier jeu de Nicholas J. McCollum qu’il édite dans sa propre maison d’édition créée pour l’occasion : Octoraffe Games (le mix d’une girafe et d’un octopode ?). Tristam Rossin a accepté de signer les illustrations, ajoutant un 33ième jeu dans sa carrière d’illustrateur sans que je n’en connaisse aucun.
Il n’y aura pas directement de brique ni de mortier dans ce jeu, bien que l’on « construise » des magasins dans notre complexe, qui lui vaut le titre du jeu puisque Brick & Mortar représente les magasins physiques par opposition au e-commerce. Par contre, il y aura un jeu de marchande avec l’acquisition et la vente de produits, représentés par des cubes, allant du produit de bouche aux produits de luxe. Le propos central de Brick & Mortar est bien la gestion d’un marché « boursier » avec enchère unique en vue d’obtenir de l’argent à transformer en PV. La durée du jeu variera en fonction des joueurs et de leur rapidité à atteindre l’objectif en PV (gagner 35 PV), avec une limite de temps sur 10 tours (2-3 joueurs).
Vous partez avec un magasin ouvert peu rentable et, à chaque tour, vous pourrez en construire un nouveau (en payant), issus de votre main (on en a 3 de base, draftés) ou d’une rivière commune nécessitant des enchères si d’autres visent le même bien. Chaque magasin comporte un ou plusieurs type(s) de produit(s) qu’il peut stocker, avec parfois un texte donnant un avantage/pénalité/règle spéciale lié à son usage.
Ensuite, chaque joueur placera deux cartes pour générer le marché avec soit des produits disponibles à l’achat (pour remplir son magasin), soit des produits recherchés (pour les vendre depuis son magasin). S’en suit une phase d’achat des joueurs, produit par produit, avec un prix minimum et, si plusieurs joueurs veulent acheter le même produit qui n’est pas en suffisance, une enchère secrète annonçant sa proposition d’achat à l’unité. Le vainqueur de l’enchère fait son stock avant les suivants (en cas d’égalité c’est le dernier joueur qui achète premier).
Vient ensuite la phase inverse où l’on vend (avec un prix max) les produits demandés dans le marché, avec le même genre d’enchère s’il y a plusieurs vendeurs et pas assez de produits demandés. S’ensuit le paiement des frais des magasins (indiqué sur la carte et selon sa position), la dégradation des produits non vendus (ils descendent d’une étagère dans le magasin) et la possibilité d’acheter des PV (plus on en prend d’un coup et plus c’est cher). On recommence ensuite une nouvelle année.
Vous ne verrez donc pas une brique ou une pierre dans Brick & Mortar (qui me fait systématiquement penser à Rick et Morty), mais à une gestion de produits. C’est plus compliqué qu’il n’y paraît de s’en sortir, surtout à 4 où les joueurs ont systématiquement le même produit que vous à acheter/vendre. S’en suit alors une guerre d’influence sur le montant que l’on est prêt à perdre (en cassant les prix) pour obtenir absolument tel marché. Quand on est seul sur un produit le jeu devient beaucoup plus aisé à développer (ce qui est plus le cas à 2 joueurs ou si les autres n’ont pas pu ouvrir le même magasin que vous). Alors, on achète à bas prix pour vendre au meilleur, sans que personne ne puisse vous en empêcher, vous donnant une aisance financière qui sera une force dans les prochains duels.
Mais souvent les achats sont influencés par le magasin que vous avez construit, car au-delà du produit proposé il y a les avantages liés à certains. Comme le fait d’acheter le produit à -4 $, d’obtenir les invendus pour 0, de rentabiliser les produits périmés. Dans la mesure où certains magasins n’ont aucun avantage et d’autres permettent de casser les intérêts des enchères, il y a comme un décalage. Bien sûr, personne ne vous oblige à construire un magasin sans pouvoir, mais s’il faut laisser le champ libre à un autre joueur se trouvant alors seul sur un type de produit, est-ce vraiment une option ?
Malgré ces défauts Brick & Mortar a ce petit quelque chose de frais, de changeant dans une production souvent faite de resuces. Les enchères fermées sont tout un jeu d’influence, d’autant que l’on peut poser une enchère (d’achat) sans l’appliquer, juste pour monter les prix et la pression des autres joueurs. Les enchères de vente, par contre, ajoutent une notion de quantité vendue et s’il n’y a plus d’acheteur à votre tour les quantités mise en vente sont perdues. C’est très bien pour éviter de donner n’importe quel prix sans se préoccuper des résultats.
Si vous aimez les dessins sympathiques, les jeux frais, n’avez pas une table XXL et appréciez les oppositions d’influence entre joueurs, vous pourrez passer un agréable moment avec Brick & Mortar. Si vous préférez le concret du béton, aimez gérer tout de votre partie et voulez un équilibre parfait, vous risquez d’être un poil déçu. On choisi son jeu comme on construit sa partie.