Boonlake

Un prix décerné pour les jeux Expert par des Experts

Boonlake

Il y a des auteurs que j’admire. Être capable de sortir chaque année un nouveau jeu durant plusieurs années est un exploit en soi. Non pas seulement car il faut que l’on puisse trouver une nouvelle mécanique (ou agencer les anciennes) mais surtout car chaque jeu nécessite tant de travail en amont (idée, proto, parties, corrections, éditeur, règles, production, promotion) que cela veut dire travailler sur plusieurs jeux en même temps, qui sont à des niveaux variés de développement. Quand on regarde dans le rétro 2014-2021 et que l’on y trouve 13 jeux : chapeau bas !

Boonlake est la dernière sortie d’Alexander Pfister chez DLP Games (en VO) en attendant la VF de Super Meeple (encore eux ! 😊 ). Les illustrations sont de Klemens Franz qui reste très actif (340 signatures de jeux) depuis son entrée dans le monde des jeux avec Agricola en 2007 (déjà !).

Dans Boonlake on va allier descente d’une rivière en bateau et construction de ranch par des pionniers sur les terres environnantes. Le plateau de jeu se divise en 4 zones colorées d’hexagones où certaines terres sont déjà défrichées en début de partie. Une rivière serpente entre les terres et nos bateaux vont pouvoir la descendre pour activer les 4 passages de décomptes (intermédiaires ou final) symbolisés par des barrages. Les joueurs ont eux un plateau double couche avec des meeples (cowboy, maison, colonie, vache) à libérer pour obtenir les bonus indiqués sous leurs emplacements.

Comme habituellement chez Alexander Pfister, les joueurs disposent de cartes dans leur main qu’ils devront utiliser (payer ou défausser) dans le cours du jeu. Pas de mode histoire cette fois, alors que je pensais que cela allait devenir une de ses spécialités au vu de ses dernières sorties (Newdale, Maracaïbo, Cloudage). Mais toujours des règles claires et une iconographie qui permet de presque tout comprendre en un minimum d’explication.

Le tour de jeu est simple :

  • On prend une plaquette d’actions dans un présentoir. Plus elle est haute, plus on pourra se déplacer loin en bateau.
  • On réalise les actions de la plaquette, qui comprend toujours une partie pour le joueur actif et une partie pour les autres joueurs (incluant souvent le joueur actif qui réalise ainsi deux actions). Cela permet que tous les joueurs restent dans le jeu à chaque tour.
  • On avance son bateau sur la rivière (1 à 4 selon la plaquette qui indique le max possible). Le déplacement se fait dans un mode saute-mouton, où l’on ne compte pas la case prise par les autres joueurs, hormis celles indiquant un port. On récupère le bonus indiqué dans la case d’arrivée.
  • On replace la plaquette en bas du présentoir et repousse les autres.

Avouez que la base est simple. Le plus long des explications se placera dans celle des icônes des plaquettes qui feront tout le développement du jeu. On y trouvera les types d’actions suivantes :

  • Jouer une carte de sa main : Une action majeure comme pour maracaïbo, où l’on paie en argent et vases (ressource physique) mais aussi avec des ressources virtuelles que l’on doit produire ou être capable de transporter avec des canoës qui offrent une gestion à part intéressante.
  • Placer un meeple de son jeu : Cowboy sur une zone constructible (en touchant la ressource de la tuile) ou maison / colonie qui sont des upgrades de l’existant (en payant en cowboy qui sont une ressource majeure comme l’argent) ou encore des vaches sur des pâtures.
  • Placer une porte : Une mécanique d’action one shot limitée par manche qui est un objectif en soi pour la fin de partie.
  • Piocher : Il faut bien refaire sa main
  • Placer des tuiles : De terrain ou de pâturages pour les bovidés.
  • Activer une zone : Pour son bonus unique ou pour gagner de l’argent pour tous les joueurs selon le nombre de meeples présents à sa couleur

Boonlake est remplis de bonus à prendre à droite à gauche, obligatoires pour ne pas avoir trop de frein à son développement. D’autant que lors des décomptes (lorsqu’un joueur passe un barrage) il y aura des objectifs à remplir choisis en début de jeu par les joueurs. C’est une gestion intelligente de l’auteur qui nous fait miroiter des PV si l’on réalise des actions particulières. Ces objectifs sont tous à faire (ou décliner en perdant des PV), un par manche mais dans l’ordre de son choix et pour les PV que l’on désire (1 à 4), mais l’objectif est de plus en plus complexe à réaliser à mesure que le temps passe. Cela nécessite une bonne gestion de ses priorités et de son développement personnel, un régal.

Les deux ressources majeures du jeu, l’argent et les cowboys vont et viennent durant la partie. On se retrouve d’un moment à l’autre pauvre ou riche, mais un état comme l’autre n’est que transitoire. Le développement de ses usines à ressources virtuelles sont une obligation en début de partie pour ne pas voir certaines cartes impossibles à poser, mais surtout pour aller chercher le bonus que l’on a choisi en début de partie et qui nécessite toujours au moins une usine de niveau 2 et une masse d’argent.

Boonlake est superbement fluide, on voit que l’on se développe, que la carte évolue et il y a suffisamment de règles et de subtilités dans leur usage pour passer un excellent moment. A deux joueurs l’espace est plus vaste et les actions plus nombreuses, augmentant le plaisir au détriment de la confrontation. A quatre joueurs le jeu de saute mouton est plus important et on prendra moins de plaquettes, mais comme elles font toutes des actions pour tous les joueurs, on a l’impression de tout autant jouer (on scorera cependant largement moins).

Boonlake n’est cependant pas exempt de défauts. Certaines plaquettes semblent presqu’obligatoires en début de jeu et inutiles en fin, comme celle permettant de placer deux tuiles d’hexagones. Comme ce biais permettra de récupérer les usines du plateau et qu’elles sont nécessaires pour jouer nos cartes, les joueurs ont tendance à les jouer « non-stop » malgré les PV négatifs associés possibles (pour les tuiles de bas de présentoir) pour se développer au plus vite. Cela donne un saute-mouton lent (chaque joueur n’avançant que d’une case) durant quelques coups avant que certains s’intéressent à d’autres choix. Il est ainsi possible (surtout à 2 joueurs) d’avoir toutes ses usines au deuxième décompte, diminuant la pression des usines pour toute la partie (et l’usage du canoë pourtant si intéressant). Souvent bien avant la fin de partie toutes les tuiles sont posées, rendant la plaquette associée presque nulle (on gagne malgré tout de l’argent en la prenant).

Pourtant, se désintéresser des plaquettes ciblées par les autres joueurs permet d’accélérer son positionnement sur le plateau et libérer ses meeples qui rapporteront à chaque décompte. Il n’est donc pas nécessaire de se focaliser sur une solution logique (et rentable) en accélérant la fin d’une manche par un run avec son bateau. Peut-être que cette action posera des problèmes aux autres joueurs pour réaliser des objectifs de fin de manche ou l’empêchera de poser toutes les cartes désirées. On se rendra compte après quelques parties que des gestions parallèles sont possibles pour peu qu’on parvienne à mettre en place quelques cartes qui nous y aide. Comme les cartes sont légion, rien n’assure d’obtenir les mêmes à la prochaine partie. Pas de martingale.

Boonlake est une nouvelle réussite d’Alexander Pfister qui nous donne des petites sensations de Maracaïbo sans mode histoire et avec peut-être moins de voies à développer. Une prise en main rapide et accessible pour les joueurs Connaisseur, avec un vrai plaisir de développement et surtout une interaction continue avec l’action partagée de chaque plaquette. C’est un jeu que l’on rejouera toujours avec plaisir et que l’on peut enchaîner si le cœur nous en dit. Organisation, planification, développement, interaction tout ce que j’aime dans un jeu est ici réuni. Bravo.

Une réponse

  1. Hector chamallow dit :

    Bonjour.
    Oui Pfister est surprenant. Il fait des jeux experts de qualité, équilibrés et riches. Et il le fait bien ! Surprenant car c’est effectivement une activité chronophage. Ne boudons pas notre plaisir.

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