Woodcraft

Un prix décerné pour les jeux Expert par des Experts

Woodcraft

C’est fou comme certains auteurs ont une aura telle qu’ils font vendre leurs jeux indépendamment de la qualité de ceux-ci. C’est le cas pour Lacerda, Feld et Suchy, puis dans une moindre mesure Pfister, Turczy, Luciani, Wallace, Gerdts, Wehrle. Si pour certains cela s’explique sur une production de qualité sur la durée, d’autres ont gagné leurs lettres de noblesse sur base d’un ou deux jeux ayant tellement marqué les esprits qu’ils leur ont fait grimpé les marches de la renommée quatre à quatre. Un peu trop vite peut-être ?

Woodcraft est le dernier jeu édité par Delicious Games sous la patte conjointe de Vladimir Suchy et Ross Arnold, ce dernier signant ici son premier jeu sous l’œil de son ainé. On reprend l’illustrateur de Messina, Michal Peichl, pour une deuxième pige chez Delicious. On verra s’il rempile pour le prochain jeu attendu en 2023 qui sera signé de Vladimir à nouveau (enfin ?) en solo. Signalons que c’est Intrafin qui assurera la distribution de la VF en 2023 (la traduction et production est toujours prise en charge par Delicious Games comme d’habitude).

Dans Woodcraft, on se retrouve dans les bois à cultiver façon elfe les 3 essences principales d’arbres du jeu, représenté par des dés symbolisant les différentes étapes de développement des pousses. Le plateau de jeu est constitué d’une roue centrale qui fait le cœur des actions du jeu. Le reste est uniquement des pistes de score et des cartes à acquérir, tandis que chaque joueur a un plateau personnel pour stocker ses ressources, assistants, arbres et outils divers.

Avant de parler de la roue qui est au centre du jeu, parlons des arbres symbolisés par des dés de 3 couleurs allant d’une valeur de 1 à 6. Ce qui est très simple avec ces dés, c’est que l’on peut comprendre facilement que l’on va les scier pour en faire deux morceaux dont la taille ancienne reste la somme des deux morceaux (6 est coupé en 4 et 2 par exemple) qui seront utilisés pour répondre aux commandes (dans la main des joueurs, en production ou à acquérir). La notion de pousse (les dés 1-2 placés dans un pot façon bouture) est aussi très bien utilisée avec une augmentation de 2 « naturelle » entre chaque tour.

Pas de placement d’ouvrier sur un plateau à case limitée ici, mais une roue centrale divisée en 4 zones, où se trouvent les 7 actions possibles. Un joueur prendra une plaquette d’action et la déplacera dans la zone suivante de la roue avant de la réaliser. Deux joueurs pourront, lors du même tour, réaliser la même action, pour peu qu’il soit encore possible de déplacer la plaquette dans la zone suivante, car il y aura une limite. Si le « début » de la roue rejoint une zone où des plaquettes « moins demandées » sont encore, on ne pourra pas passer outre cette zone. Autrement dit, une plaquette d’action ne peut pas prendre « un tour d’avance » sur d’autres.

Il y a deux mécaniques qui incitent à éviter cela :

  • L’usage de lanternes permettant de déplacer une plaquette (souvent celle en retard) moins demandée pour réaliser l’action d’une autre qui ne peut autrement plus bouger.
  • Le plateau offre des bonus aux plaquettes en arrière en compensation de leur position

Les actions qui nous sont proposées sont :

  • Acheter des dés du stock. Le prix dépend de la valeur faciale du dé et varie selon la couleur du dé.
  • Vendre un dé au double de son prix (+ selon sa couleur) pour en acheter un autre de valeur 6 à la banque.
  • Engager un assistant. On en aura au maximum 6, au pouvoir continu, one shot ou à activer. Ils ont en plus un bonus accordé quand ils travaillent.
  • Faire travailler 2 assistants ou 1 seul tout en plantant un arbre. Planter permet de couper un dé gratuitement pour en faire un bout de 1 ou 2 à mettre en pot (pour peu que le pot associé à sa couleur soit disponible).
  • Améliorer son atelier. On y ajoute une scie, un espace de collage (coller deux dés pour en faire un autre, un + en somme) ou d’amélioration des bois (allant de +1 à +4 au dé).
  • Acheter des matériaux de travail. Des mini-scies, des bouts de bois ou de la colle.
  • Prendre une ou deux commandes à réaliser.

Après 4 ou 3 tours, des actions de nettoyage et de production ont lieux, ainsi qu’une pression sur les commandes en cours, qui seront un poil dévaluées si non réalisées. Réaliser les commandes (on perd des dés spécifiques et des matériaux) est une chose à réaliser de manière plus que régulière, car elles permettent d’avoir des PV, mais surtout des baies (argent) qui sont nécessaires pour réaliser la plupart des actions.

Les assistants, surtout celui que l’on choisit dans sa main de départ, drivent un peu votre jeu, car certains ont des pouvoirs continus vous facilitant largement la vie si vous les utilisez. On a parfois l’impression que celui que l’on joue en premier va ainsi vous porter ou vous freiner selon leur pouvoir et usage.

On sent vite qu’il y a plusieurs voies dans le jeu pour vous permettre d’avancer et, comme souvent, il faut aller à fond dans un sens ou l’autre pour que cela soit rentable. Que ce soient les assistants, les pots ou les développements de l’atelier, on voit clairement dans son jeu ou celui du voisin son intérêt (souvent associé au bon assistant de départ qui permettra des économies). Ce qui est moins probant, c’est le toit du plateau joueur qui est construit avec des outils gagnés par des commandes. Oui, ils sont forts en le réalisant, mais ils ne sont jamais une voie de développement, tant ils sont liés au hasard de la pioche contrairement aux autres voies.

On appréciera la gestion des objectifs de fin de partie, qui ne sont accessibles que lorsqu’une commande spécifique est réalisée (les joueurs en ont deux en main au départ n’en placent qu’une à la fois lors des phases de nettoyage). Lorsqu’un joueur décide de réaliser un des objectifs visibles, il sera enlevé à la disposition des autres joueurs à la fin de ce tour. Autrement dit, si les autres joueurs ne réalisent pas leur propre commande à objectif lors du même tour, ils ne pourront plus viser cet objectif. Une manière de faire qui force à un certain tempo quand deux joueurs visent la même chose.

En fin de jeu, votre avancée sur la piste de réputation (dépendant de vos commandes réalisées et/ou vos assistants) définira les PV que vous gagnerez par commande réalisée. Il est donc nécessaire de progresser sur cette piste pour valoriser ces commandes qui seront de toute façon faites en cours de jeu. Une piste de baies (l’argent) et de noisettes (des PV) permettent aussi de récolter ces bonus lors de chaque phase de nettoyage. Un joueur ayant progressé plus que d’autres sur les noisettes peut réaliser un beau delta de PV en bout de course.

Il peut y avoir une fameuse différence sur les PV finaux et il n’est pas rare de voir le premier joueur avec près du double du dernier, indiquant que certains développements sont plus intéressants que d’autres et qu’un brin de chance dans les commandes / assistants disponibles peut faire la différence sur le long terme.

La proposition de Woodcraft est intéressante, nécessite une réflexion et anticipation agréable intellectuellement, avec une partie aléatoire qui empêche le calcul à long terme et le plan fixé d’avance. On regrettera l’importance donnée aux outils du toit sur le plateau joueur alors qu’ils réclament trop de chance et de contraintes (pourquoi deux outils différents ? Pourquoi ne rien gagner avec le premier ?). Malgré tout clivant, il risque de perdre des joueurs au fil des parties, que ce soit en le trouvant parfois déséquilibré (le facteur chance) ou encore en ayant l’impression d’en avoir vite fait le tour. Pourtant, les parties seront variées et ceux qui le ponceront verront qu’il y a des parties de tous les genres qui dépendront des essais (/erreurs) des joueurs. A tester avant d’acheter si c’est possible.

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