Tokyo Tsukiji Market
Depuis que j’ai joué à Pax Transhumanity et Pax Pamir, je ne me fie plus à la taille de la boîte pour me faire une idée de sa complexité, ni de sa qualité. Petit ne rime plus désormais avec « family » et je manipule l’objet avec le même intérêt qu’une boîte de plus de 3 kg emplie d’un matos hors norme.
C’est dans une petite boîte bleue que se présente le dernier opus de la gamme Tokyo : Tokyo Tsukiji Market de Jordan Draper. Comme d’habitude, il endosse toutes les casquettes, auteur, designer et éditeur via Jordan Draper Games. C’est déjà le 6ième Opus de Tokyo, sorti à cheval sur 2019 et 2020, en attendant Tokyo Capsule Hotel cette année.
Vous devinerez aisément que l’action se situe à Tokyo, dans son marché aux poissons. A la tête d’une société de pêche, vous achetez des licences pour pêcher et revendre certains des poissons qui sont ouverts au marché pour votre partie. Une des spécificités de Tokyo Tsukiji Market (disons TTM pour la suite 😊 ) est que vous ne jouerez pas avec tous les marchés disponibles dans la boîte (9 intérieurs et 9 extérieurs), assurant une rejouabilité sur toutes vos parties.
Vous commencez avec un petit bateau de pêche, un emplacement pour débarquer au port et une simple licence pour pêcher le maquereau. A votre tour vous aurez 2 points d’actions réalisables, vous permettant :
* D’activer tous vos bateaux de pêche (chacun réalise une action au choix) : sortir du port ; pêcher avec une licence non sécable ; rentrer au port pour mettre en vente votre pêche.
* D’acheter un produit de la pêche d’un concurrent.
* De rentrer dans un marché intérieur : pour acheter une licence et/ou vendre/transformer une ressource
* De rentrer dans un marché extérieur : pour activer son offre spécifique
La fin de jeu se déclenchera lorsqu’un des joueurs aura atteint un des objectifs (5.000 Yens ou 50 Pts de ressources), tout en n’étant pas le dernier dans l’autre objectif. C’est une méthode étrange de fin de partie, mais qui apporte son lot de rebondissement et de réactions des autres joueurs désireux que le jeu se poursuive.
Si l’on commence avec 2.000 Yens (qui seront vite dépensés), les ressources proviennent des poissons. Mais pas des poissons que vous pêchez, c’est là qu’est le génie, mais de ceux que vous achèterez sur les marchés des autres joueurs. Car ce que vous sortez des eaux poissonneuses est stocké dans des barils et mis en vente au cours que vous désirez. S’ils ne sont pas achetés durant le tour de mise en vente, ils se dégradent (ce qui a parfois un impact sur leur valeur en ressource) et au tour suivant ils seront jetés. Vous pourrez revoir votre prix de vente, mais seulement si vous faites une action de pêche.
Selon le type de poisson, leur valeur en ressource varie. Les Thons et les Crabes araignées sont tirés au hasard dans un sac, avec une valeur indiquées sur leur meeple. Les Anguilles ont une valeur à la hausse lorsqu’elles sont pêchées et diminuent quand elles sont vendues. Les Poulpes valent plus en takoyaki, mais cela nécessite un passage par le marché et une vente à un autre joueur. Le Calamar n’a aucune valeur de ressource, mais se revend 600 Yens. Il y a aussi le Vivaneau, le Saumon, le Fugu qui ont leur propre gestion.
J’adore cette variété dans les marchés, ainsi que leur manière de les gérer. D’autant que lorsque l’on décide de les activer, cela peut vous coûter en Yen, en action (jusqu’à 2 pts) ou en poisson. Mais pourquoi les activer ? Pour aller acheter une (ou plusieurs) licences de pêche pour vos bateaux (sans cela, interdiction de pêcher ce poisson) ou pour aller revendre votre poisson selon sa qualité. Citons en bonus que les sociétés qui disposent de licences dans le marché visité touchent 100 Yens (par licence en votre possession) à chaque fois qu’un joueur y rentre. De quoi renflouer parfois les caisses et permettre certaines combos.
A côté des marchés aux poissons, vous avez ceux extérieurs, qui vous permettent aussi de dépenser ou de financer votre société. Citons en vrac le type de possibilités :
– Les Marchés liés aux bateaux : Pour acheter/vendre des bateaux au plus grand tonnage, neuf ou d’occasion
– Les Marchés liés aux actions : Pour disposer de glacières et éviter que vos poissons se dégradent, de bonus d’action pour aller aux marchés,
– Les Marchés liés à l’argent : Pour vendre ses poissons à meilleur prix, emprunter ou prêter de l’argent
– Les Marchés liés aux ressources : Pour faire tourner ses stocks entre les joueurs
A vous de savoir si vous achetez d’autres dock pour décharger vos bateaux (à acheter) dans le même tour, pour disposer du bonus de 100 yens par 2 barils mis en vente dans le même tour ou encore forcer une vente aux enchères spécifique (pour 2 barils de Crabe ou 3 de Thon en un tour).
Arriver à définir le prix de vente optimal de votre pêche est important. Trop peu fera le beau jeu de vos adversaires. Trop cher et il risque de vous rester sur les bras et d’être jeté. Le juste prix est celui où vos adversaire y gagneront un peu sans les gaver. Si vous ne vendez pas, vous serez vite bloqué car c’est (presque) la seule rentrée d’argent possible de manière rapide. L’argent vous est nécessaire pour acquérir les poissons des autres ou vous développer.
Il est important d’obtenir le bon tempo entre la production, la vente de votre pêche et l’achat des barils de poissons des autres joueurs. Si vous ne produisez rien d’intéressant, on ne vous donnera pas d’argent. Si vous n’avez pas d’argent quand le joueur à votre droite produit, vous ne pourrez pas lui acheter sa production (qui fera peut-être les beaux jours du suivant). Vous devez donc acheter des licences qui intéresseront les autres pour vous permettre une rentrée d’argent, car n’oubliez pas que vous ne pouvez pas acheter vous-même votre propre pêche.
Mais attention, si tous les joueurs se ruent sur les mêmes licences, il y aura un risque : celui de la sur-pêche ! Car les poissons ne sont pas infinis dans les zones de pêche. Les barils de chaque espèces sont limités et si vous en venez à prendre le dernier dans votre bateau (où qu’un joueur achète le dernier poisson de l’espèce), il y aura une fermeture du marché. Si les poissons acquis sont toujours valables, plus moyen d’en pêcher de nouveaux. On tire alors un nouveau marché tout neuf et on peut se ruer sur ses licences.
Jouable de 2 à 6, il n’a que peu d’intérêt à 2 (surtout pour les conditions de fin) et est optimal à 4 ou 5. Ce qui est étonnant, c’est que malgré le fait que l’on ait que des petites tuiles pour le jeu, il soit aussi clair dans ses informations multiples (chaque marché à ses propres règles). Une fois que l’on a acquis les principes, tout coule de source et le vainqueur ne se dessine qu’à la toute fin. Les ressources que l’on a acquises se transformant en Yens (1 ressource = 100 Yens) pour s’ajouter à vos finances. Tous les meeples en forme d’animaux sont mignons tout plein et vous permettent une plus grande immersion.
Cerise sur le gâteau, comme dans les autres opus, si vous disposez des Tokyo précédents, vous pouvez en combiner pour créer un autre jeu, avec ses propres règles. En l’occurrence, avec TOKYO JIDOHANBAIKI, TOKYO JUTAKU et TOKYO COIN LAUNDRY, vous pouvez jouer à « Architects Also Shop » (sur des règles de Stefan Brakman & Jordan Draper). Bon, je doute que vous ayez le tout (je ne l’ai pas 😊 ), mais qui sait si cela ne vous incite pas à faire une commande plus large.
Si vous avez l’impression de voir toujours les mêmes types de jeu (collecte de ressource, réalisation de contrat, course sur le plateau,…), Tokyo Tsukiji Market vous donnera un vent de fraicheur sur vos parties. Si l’on partait encore en vacance, je vanterais sa petite taille pour le placer dans vos valises, sa possibilité de jouer de (2) 3 à 6 aisément, sa simplicité de mise en place, pour 20 minutes de jeu par joueur.
Il a convaincu toute la famille par sa rejouabilité et son style particulier. Notre nouveau Leitmotiv affiché avec TTM est devenu « Business is Business », aussi, faites comme nous et négociez serré, les autres joueurs sont plus intéressés qu’ils ne veulent vous le faire croire !