The Wolves
Une bonne idée ! Est-ce qu’une bonne idée fait d’office un bon jeu ? On sait tous que la réponse est non et qu’il faut que le reste du jeu supporte, ou à tout le moins de gâche pas, la bonne idée centrale d’un jeu. Parfois c’est un détail matériel qui gâche tout, d’autres fois c’est un équilibrage bâclé ou encore une iconographie. On a tous des noms en tête de ces jeux au potentiel gâché, que l’on aurait aimé plus aimer et auxquels on rejoue en s’accrochant à leurs bons côtés et en tenant d’oublier ceux qui l’ont tiré vers le bas. Cela nous laisse un sentiment de désolation et l’espoir que quelqu’un le retouche un jour.
The Wolves, le Clan des Loups en VF, est édité par Pandasaurus Games (VO) et Gigamic vient de le sortir en VF. Il est l’œuvre de deux nouveaux auteurs : Ashwin Kamath et Clarence Simpson. C’est aussi une première pour l’artiste Paulina Linjama. Le monde du jeu accueille encore de nouveaux talents.
Dans The Wolves, chaque joueur (2 à 5) représente un clan de loups qu’il va essayer de développer durant les X manches du jeu. La durée de la partie dépend des joueurs qui vont envoyer des marqueurs sur un calendrier lunaire au fil de leurs actions. Trois décomptes émailleront ce calendrier (nous y reviendrons). Ne vous fiez pas à la longueur du calendrier, il se remplit très vite et les 75 minutes de jeu annoncés par la boîte sont plus réalistes que vous pensez.
Le plateau modulable, dont le nombre de tuiles dépend du nombre de joueurs, représente sur chacune une série d’hexagones de terrain, un puits masqué par un token de lune, un loup solitaire et une zone de gibier. Quatre loups (2 base et 2 alphas) sont placés à tour de rôle autour de la faille centrale du jeu pour le départ. Les joueurs disposent d’un plateau perso avec plein de tanières à libérer sous lesquelles il y aura des PV, des bonus et de l’amélioration de capacité.
Mais au-dessus du plateau il y a LA bonne idée du jeu : des tuiles de terrain, recto verso avec terrains différents de chaque côté, sauf un. Ces tuiles définissent l’endroit où se terminera l’action que l’on veut réaliser et sont ensuite retournées. Parfois on a besoin d’une seule tuile, mais les actions les plus fortes en nécessitent jusqu’à 3. Aussi il faut parfois anticiper les rotations pour faire un coup sanglant par la suite. C’est à la fois simple et malin, avec assez de stratégie pour intéresser un expert sans être bloquant pour un joueur plus léger.
A chaque tour on a ainsi l’occasion de jouer 2 actions à choisir parmi :
- Se déplacer : On bouge X loups selon son niveau de « pack » de son plateau et de Y cases, selon son niveau de mouvement. Ils arriveront tous sur des terrains du type de la tuile que l’on aura retournée. Attention seulement deux meeple peuvent être sur un hex.
- Construire une tanière : En retournant 2 tuiles de même valeur, on construit une tanière autour ou sous son Alpha. La tanière vaut 1 Pt pour le décompte de majorité (comme un loup)
- Améliorer une tanière en repaire : En retournant 2 tuiles, on remplace la tanière près d’un alpha pour devenir un repaire. Il vaut 3 pt de décompte et la tanière éliminée va dans le calendrier.
- Hurler pour convaincre : Selon la portée reprise sur son plateau, moyennant 2 tuiles retournées, on transforme un loup solitaire en l’accueillant dans sa meute. Son token va dans le calendrier.
- Hurler pour dominer : Le coût le plus cher (3 tuiles identiques) pour, à portée de hurlement, récupérer une tanière ou un loup d’un autre joueur et la faire rejoindre notre clan. La pièce éliminée part dans le calendrier.
En bonus, si 3 de nos loups entourent un gibier, on le récupère. Il y a deux token gibier par zone et les récupérer rapportent des PV et un jeton pour une action supplémentaire (super fort). Des bonus de lieux (one shot) existent aussi pour faciliter les besoin de retourner des tuiles identiques (surtout les 3).
Lorsqu’un joueur placera un marqueur sur le calendrier représentant un des quartiers de lune, toutes les zones avec ce symbole seront scorés à la fin de son tour. Tout le monde sait quelles zones scorent et à quel moment, on peut donc anticiper et l’on voit des mouvements de loups d’une zone à l’autre en suivant les scorings. Les derniers valent plus que les premiers et sont donc plus disputés.
Mais c’est là que la frustration arrive lorsque l’on est 4-5 joueurs. Puisque c’est à la fin du tour du joueur actif que le scoring se calcule et que les actions faites favorisent la prise de domination des zones, il risque fort (c’est un euphémisme) que les 2 derniers joueurs aient un tour de moins lors des scorings, donc 2 actions perdues, deux Pts de contrôle perdus. Comme il y a peu de points à prendre et beaucoup de joueurs, cela risque de passer une fois, de grincer deux fois et de trouver le jeu nul à la troisième ! Il aurait été plus malin de trouver une méthode pour que chacun ait l’occasion de faire le même nombre d’action avant un décompte, mais ce n’est pas le cas.
Dès lors, on évitera les 4-5 joueurs pour se limiter à 2 (avec bot) ou plus agréablement à 3, afin de mieux contrôler les décomptes en accélérant ou ralentissant les avancées du calendrier. Le jeu a alors un facteur plus important de contrôle et garde le plaisir malin des rotations de tuiles.
On trouve énormément de plaisir dans les rotations de tuiles, l’impression de construire son clan pour les décomptes tout en voyant le temps qui file et il ne faut pas traîner pour se mettre en place. Par contre, attention aux joueurs spécialistes de l’AP, car le jeu ne manque pas de choix et d’analyse des actions possible des autres joueurs (surtout si l’on ne veut pas se faire dominer un loup ou tanière). Le décompte immédiat gâche la fête mais peut-être réduit à défaut d’éliminer. Trois joueurs c’est bien aussi, pour peu que ce ne soit pas systématiquement le 1er qui déclenche le décompte (il aura toujours plus de chance que les autres que cela arrive…).