Perseverance : Castaway Chronicles – Episode 1 & 2
J’ai l’impression que les KS ont explosé la taille des boîtes de jeu. Quand avant la Kalax permettait de ranger proprement 95 % de ses acquisitions, je me retrouve désormais avec des boîtes empilées en dehors des armoires pour cause de taille hors normes. La possibilités de placer des tonnes de figurines est souvent en cause, mais parfois j’en fini par regretter des jeux avec des cubes en bois colorés associé à des boites de tailles raisonnables…
Persévérance : Castaway Chronicles – Episode 1 & 2 – est un jeu signé par une multitude d’auteurs (ayant sans doute travaillé sur des parties différentes du jeu), à savoir : le trio magique d’Anachrony (et pour partie de Trickerion), Richard Amann, Viktor Peter et l’incontournable Dávid Turczi , auxquels s’associent Thomas Vande Ginste et Wolf Plancke à qui l’on doit (entre autres) Yedo . C’est Minclash Games qui édite cette très (trop ?) grosse boîte remplie à ras bord, tandis que les illustrations sont aussi signées à plusieurs mains par Tamás Baranya, István Dányi, Villő Farkas, Márton Gyula Kiss.
Vous comprenez bien qu’avec de tels auteurs la barre était placée haute dans le niveau d’attente sur le jeu. Un jeu qui comprend en fait deux jeux et un matériel de qualité, plein de figurines et propose une chronique pour enchaîner ces deux premiers opus (dans un cycle qui devrait en compter 4) dans une histoire complète, cela envoie du rêve.
L’histoire se pose après que votre bateau de croisière s’échoue sur une île perdue, peuplée de dinosaures et sur laquelle vous allez devoir, bon gré mal gré, vous installer et survivre. Le premier épisode se pose avec la mise en place d’un camp de base, la constructions de remparts pour faire face aux hordes de dinos, le tout sous fond de politique pour prendre le contrôle de cette « colonie » et être choisi comme chef officiel. Le deuxième épisode se passe une fois le camp sécurisé et se focalise sur l’exploration de l’île pour repousser plus loin les dinos et trouver de quoi survivre à long terme, avec ici encore l’enjeu politique pour le contrôle du camp.
Si le thème est le même et continu, cohérent, les deux jeux (et plateaux associés) offrent des sensations largement différentes. Tant dans leur partie que dans le ressenti des joueurs s’y essayant. Pour des raisons que je ne m’explique pas encore, certains considèrent que l’épisode 1 n’est qu’une mise en bouche tandis que le 2 comprend toute la substance du jeu. Alors que d’autres (dont je fais partie) ont adoré l’épisode 1 pour sa tension continue et ont trouvé sans intérêt l’épisode 2, beaucoup plus répétitif (et au final looong) sans utilité réelle.
Pourquoi ces différences ? Avant de dissocier les épisodes, voyons ce qu’ils ont en commun.
- C’est du placement de dé : Dans un pool de dés, on choisit chacun son tour un dé affichant un type d’action pour le placer sur un endroit libre et réaliser l’action associée. Certains dés sont à nos couleurs et forcer les autres à le choisir est un avantage.
- C’est du contrôle de zone : Les dés de ainsi que les constructions de sa couleur (plus son chef) servent à calculer l’impact que l’on a sur une partie du camp. En fin de manche cela rapporte des points et des bonus.
- C’est du combat contre les dinos : On dispose de troupes armées (régulières ou expertes) que l’on pourra (via les actions des dés) envoyer pour s’opposer aux dinos ou explorer les environs via des cartes spécifiques. Dans les deux cas, il y aura vraisemblablement des morts et tous ne rentreront pas au camp.
- C’est de la gestion de ressources : Via ses collectes ou combats, on va recevoir des moyens (des médailles) pour dépenser, selon son implication dans le camp, dans des actions bonus variant d’une partie à l’autre pour plus de rejouabilité.
- C’est de la politique : Il faut se faire bien voir du camp pour gagner des électeurs en fin de manche et pour cela, il faudra agir pour ce qui se voit (dans le camp) autant que pour le protéger (contre les dinos).
Les deux épisodes ont donc en commun une série de choix tactiques continus, les pistes de développement se valant globalement (pour peu qu’on les fasse à fond) et l’on peut avoir des joueurs qui ne font que la politique (et s’ennuient un poil quand même) ou sont des combattants acharnés. En cela le jeu est super et globalement prenant dans son histoire niveau immersion.
Là où ils se séparent, à mon sens, c’est dans la tension du jeu.
Dans l’épisode 1, le camp n’est pas construit et les dés (actions) que l’on va poser vont faire arriver des dinos (2 types, les violents et les destructeurs). Plus on jouera dans une partie du camp et plus les dinos arriveront. Il faut alors placer des pièges, des barricades et des hommes pour leur faire face. Les laisser passer aura un impact dans vos électeur (se faire bouffer la main par un raptor ne permet plus de la lever pour voter 😉 ) et dans vos constructions (qui se font piétiner par les grosses pattes). Cette attaque dépend des joueurs, on peut donc essayer de mettre en péril une partie du camp où ses adversaires ont des constructions tout en défendant celles où l’on a ses fidèles. Cette gestion des combats (associé à des jets de dés pour savoir si les dinos meurent dans ceux-ci) est tendue et intéressante tout du long. La gestion de ses hommes, que l’on peut envoyer en exploration au lieu de défendre, est toujours sujette à un choix cruel. Mais pendant que certains combattent, d’autres font de la propagande dans le camp et racolent à profusion (les salaud).
Dans l’épisode 2, le camp est défendu et les dinos ne viendront plus faire une razzia. Du coup, on part sur de l’exploration hors camp où l’on va nettoyer les dinos qui se promènent et son attirés vers les avant-postes que l’on installe. Outre les actions « de base » du camp, on va pouvoir construire des nouveaux camps qui auront leur propre nouvelle action qui changeront les possibilités d’une partie. Le soucis de ces constructions hors zone est que c’est le joueur suivant qui peut en profiter en y plaçant un dé et, juste derrière, l’exploitation soudaine attire des dinos qui nécessitent de faire un combat défensif. Ici, cependant, on pourra développer un plateau personnel de capacité de son personnage et les dinos (de 3 sortes désormais) pourront éventuellement être capturés comme une ressource. Cela ouvre plus de possibilités de jeu.
Ce qui me gêne le plus dans ce deuxième opus est que l’on peut éventuellement ne jamais jouer dans la moitié supérieure du plateau (les dinos) pour se contenter de faire des explorations sur carte annexe et des prises de position majoritaire. Là ou l’affrontement est inévitable dans l’épisode 1, le 2 peut se faire sans s’intéresser aux dinos tout le long. Cependant, disons-le, le joueur qui se contente de jouer dans le camp s’ennuie assez ferme durant le jeu, car les autres jettent des dés, gagnent et exploitent des bonus, ce qui prend un peu plus de temps que de poser simplement son dé.
Alors pourquoi certains trouvent le 1 comme étant le marche pied du 2 et ne veulent plus y revenir ? Sans doute cela est-il dû à leur attente. Après des jeux comme Trickerion ou Anachrony, le désir d’avoir un jeu lourd, complexe et avec des choix à contraintes, n’a pas été assouvi dans l’épisode 1, trop libre dans ses possibilités. L’épisode 2, apportant des possibilités en plus au premier (tout en gardant les règles de base), rejoint un peu plus les attentes posées sur le nom des auteurs. Plus de règle, plus de possibilités, plus de changement.
Le temps de jeu pour ces deux opus est assez conséquente (3 joueurs en 3h20 E1 / 4h E2) et sans compter le temps énorme de mise en place / rangement (ou encore les règles à expliquer), ce qui en fait un jeu qui va nécessiter une après-midi + soirée lorsque l’on désirera faire les E1+E2 en mode chronique (en attendant E3 et E4). Le côté hasard n’est pas problématique, malgré les dés et la pioche de carte, car cela ne représente qu’une série d’actions qui se réduisent en capacité dans le temps. Vous ne jouerez donc jamais votre partie sur un jet de dé malheureux.
Il y a au final beaucoup de répétition dans Persévérance, plus ou moins intéressante selon la manière dont vous jouez et vous impliquez dans la lutte / exploration. On peut donc avoir des joueurs qui s’ennuient avec, à la même table, d’autres qui sont complètement pris dans l’histoire et ses possibilités. C’est assez étrange dans un jeu ce sentiment différent lors d’une même partie, mais c’est dû au plateau en deux partie qui n’oblige personne à aller dans ses deux côtés.
Outre les attentes initiales de certaines et ses possibles différences de ressenti, Persévérance a réussi à convaincre une part des joueurs (pas toujours sur les mêmes épisodes). Ce qui freine cependant à sa pose courante sur notre table de jeu est surtout lié au temps nécessaire pour une partie. Investir 5 heures pour un seul jeu n’est pas facile toutes les semaines. Dommage car la version figurine (au lieu des standees) est très jolie et marque visuellement quand il est posé. Espérons que les prochains épisodes (qui récupéreront les figurines) rebondissent et offrent (ne serait-ce qu’en chronique) une sensation augmentée. Un pari sur l’avenir ?