Oath : Chronicles of Empire and Exile

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Oath : Chronicles of Empire and Exile

On ne change pas… En tout cas c’est ce que chante Céline Dion ! Pour les jeux de société, on a tous nos goûts, nos préférences, les jeux que l’on évite comme la peste (personnellement ce sont les jeux d’enchères), ce qui fait qu’avant même de commencer une partie on peut avoir un apriori négatif sur simple base de ce que l’on aime jouer. Mais est-on capable de changer d’avis, de trouver du plaisir dans un type de jeu « qui n’est pas fait pour vous » ? Et si cela arrive, est-ce grâce au jeu qui a brisé vos barrières mentales ou vous-même qui évoluez avec le temps ? Comment le savoir ?

Oath : Chronicles of Empire and Exile est le dernier jeu de Cole Wehrle, ce génie du renouvellement qui donne l’impression de tracer sa propre voie dans le monde du jeu, son propre style de jeu souvent à contre-courant des productions actuelles. Comme pour Root, c’est Leder Games qui s’occupe de son édition, faisant de nouveau appel à Kyle Ferrin pour l’illustrer, ce qui expliquera les similitudes visuelles entre les deux jeux.

Oath vous propose de vivre une aventure. Oui, une aventure (ou plutôt une Chronique) et pas une partie traditionnelle, car le plus important ne sera pas de désigner le vainqueur qui aura prouvé ses qualités de joueur, mais bien de vivre des choses entre joueurs autour de la table. Bien sûr quelqu’un gagnera et ce ne sera pas nécessairement parce qu’il aura à un moment donné fait le meilleur choix (cela influera aussi) mais parce que les autres joueurs l’auront aussi permis par leurs propres actions. Comme pour Pax Pamir (aussi de Wehrle) il y a un brin de KingMaking dans Oath bien que moins flagrant.

Pourquoi une aventure et pas une partie ? Car Oath est avant tout un jeu de politique. On a un empire, régit par un Chancelier et comprenant des joueurs pouvant être répartis entre des Citoyens (qui soutiennent le Chancelier et agissent pour l’Empire) et des Exilés (des rebelles qui veulent que le pouvoir change de main). Si le Chancelier le sera de bout en bout, il se peut que les Exilés deviennent Citoyens et vice-versa. La position politique de chacun est primordiale, car elle défini pour chacun les conditions de fin de jeu, chacun ayant sa manière propre de gagner.

La durée des parties variera donc entre 4 et 8 manches selon la réalisation des objectifs, les autres essayant au fur et à mesure des risques de fin de parties de s’allier pour empêcher une fin prématurée qui ne serait pas dans leur sens, tout en continuant de développer leur propre jeu. Les alliances qui se font et se défont, les discussions et tentatives de manipulations, les préparations des tromperies en coulisse sont tout ce qui fait qu’on sort d’une partie de Oath avec des souvenirs plein la tête et que l’on a vécu une aventure ensemble et qu’importe finalement le vainqueur du jour.

A votre tour, vous allez utiliser les ressources de temps dont vous disposez pour réaliser des actions. A la fin de votre tour, votre marqueur de temps d’action sera remis à un niveau dépendant des armées dont vous disposez. Plus vous êtes puissant, moins vous aurez d’actions. Libre à vous de réaliser plusieurs fois la même action durant un tour. Globalement, vous pouvez :

* Piocher des cartes pour en jouer (ou garder) une. Les cartes sont ajoutée à un lieu ou conservées comme conseiller, voire gardée secrète comme pour une vision (condition de fin de jeu spécifique pour un rebelle). Le coût pour piocher dépend de la pioche et du moment du jeu. Par contre, ce qui est super c’est que les cartes défaussées le sont toujours dans la zone de jeu suivante.

* Vous déplacer sur une case d’une des trois zone du jeu, dont le coût en temps d’action varie selon l’endroit visé.

*  Récupérer des artefacts ou des bannières (ces dernières pouvant être prises des mains des autres joueurs). Très importants, outre le pouvoir de l’objet, car ils interviennent dans des conditions de fin de jeu.

* Enrôler de nouvelles troupes. Cela nécessite une carte de libre et de l’argent pour récupérer deux armées.

* Commercer pour des livres (contre de l’argent) ou de l’argent (contre des livres). Cela nécessite une carte de libre sur le site présent et des cartes de la même faction dans ses conseillers.

* Combattre ! On se bat pour le contrôle d’un site (éventuellement contre les bandits), d’un artefact ou pour bannir un joueur (au bout du plateau et en lui faisant perdre son argent). Mais d’un seul coup, on peut attaquer plusieurs positions d’un joueur. Des retournements sont possibles ! Les armées de chacun entrent en compte pour les jets de dés opposés, mais aussi les cartes contrôlées dédiées au combat et les lieux / objets visés. Le vaincu, quel qu’il soit, perdra la moitié de ses troupes dans l’aventure.

Moi qui ne suis pas un fan des résolutions par dés, dans Oath le hasard est relativement maîtrisé, car en sacrifiant des troupes l’attaquant peut (s’il est bien préparé) se tirer d’un assaut. Même si en cas d’égalité c’est le défenseur qui l’emporte, globalement c’est avantage à l’assaillant « préparé ». Si on attaque avec une petite armée, dans ce cas seul la chance au dé jouera, mais c’est assumé par le joueur qui réalise peut-être une action désespérée pour empêcher une fin de jeu.

Il faudrait rentrer plus dans les détails pour vous faire comprendre toute la subtilité du jeu, mais sachant que les règles comprennent une sorte de lexique très formel (presque façon dictionnaire) pour expliquer toutes les règles fines, cela serait vite indigeste. Pour autant, le livret de règle propose de réaliser des début de partie rapide, c’est-à-dire presque sans règles, qui seront alors expliquées ou recherchées au fur et à mesure des actions des joueurs. C’est étrange et pas mon style, mais c’est agréable à lire, donnant les grande lignes d’une partie et l’on peut effectivement commencer à jouer avec cette seule base. Dès lors on ratera sans nul doute de réaliser le meilleur coup à un moment du jeu, mais, à nouveau, le vainqueur n’est qu’une petite part du jeu.

Le jeu en lui-même est donc très simple, mais rempli de détails et de spécificités qui ne seront maîtrisés que durant les parties suivantes car vous ne rencontrerez pas nécessairement des configurations spéciales dans votre première partie (comme comment gérer une attaque entre deux citoyens). La maîtrise des conditions de fin de jeu sont vraiment le plus important, car c’est cela qui va inciter les joueurs à agir dans l’urgence pour contrer un autre en passe de l’emporter, réalisant éventuellement de alliance contre nature !

Comme c’est une chronique, en fin de partie vous définirez la configuration de la suivant en réorganisant le royaume selon le vainqueur de votre partie. On gardera les sites qu’il contrôlait, ses artefacts, valorisera la factions de ses conseillers, construira des monuments à sa gloire (détruisant éventuellement celles du précédent chancelier). Les autres joueurs seront immédiatement exilés ou invités à devenir citoyen, forçant donc les futurs joueurs de commencer avec une configuration qu’ils ne contrôleront pas, qu’importe que cela soient les mêmes joueurs ou de nouveaux. C’est plus long en fin de partie (embêtant s’il est 1 heure du matin) mais vous gagnez du temps à l’installation.

Oath est donc un jeu atypique, qui a un peu de Root, un peu de Pax Pamir et beaucoup de spécificités uniques. C’est un jeu qui n’est pas dans mon scope habituel, celui où l’on a un joueur qui gagne grâce à ses actions de jeu (collecte de ressource / contrats / choix de développement), mais une sorte de jeu d’affrontement sur plusieurs plateaux, de contres et de discussion. Du coup, j’ai du mal à comprendre pourquoi je l’apprécie autant. Je sors du jeu avec un plaisir qui dépasse la simple victoire et je constate que d’autres joueurs plutôt dans mon mode de pensée et de plaisir de jeu se trouvent perturbés en fin de partie, conscients qu’ils ont apprécié un jeu qu’ils pensaient ne pas être pour eux.

Alors, avons-nous changé et évolué ou est-ce que Oath est parvenu à nous embarquer dans son univers et ses spécificités où tout le monde veut en fait le bien de l’Empire ? N’est-ce dû qu’aux personnes autour de la table, au fait qu’ils sont rentrés dans le jeu politique, au fait que l’on a passé un moment de vie ensemble, avec des phrases et des faits de jeux qui resteront dans la durée ? Peut-être que c’est vous, lors de votre propre expérience qui nous direz comment VOUS l’avez vécu.

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