Les Ruines Perdues de Narak
L’avantage quand on joue à un jeu plusieurs mois après sa sortie, c’est que dès qu’on a un ressenti ou une impression, on peut immédiatement la confronter à la communauté qui a déjà bien pratiqué le jeu. Du coup, deux possibilités : soit on est dans le même sens que la majorité et on gagne en temps d’analyse ; soit on est battu en brèche par le groupe et on peut cumuler les parties pour essayer d’avoir un autre regard. Pour cette deuxième option on est content quand il est déjà sur BGA. 😊
Les Ruines Perdues de Narak s’appellaient initialement Lost Ruins of Arnak (chez Czech Games), mais on comprendra aisément que Iello, qui l’édite dans sa gamme Expert, ait décidé de le renommer pour le marché francophone. C’est un couple d’auteurs au nom minimaliste qui signent ici leur premier jeu, Elwen et sa femme Mín. Niveau illustrateurs, ils se sont lâchés pour répondre à la demande de créatures et objets/artefacts divers : Jiří Kůs, Ondřej Hrdina, Jakub Politzer, František Sedláček et Milan Vavroň. Ils ont déjà travaillé ensemble une première sur Sanctum, tandis que Milan Vavroň est le plus actif de tous avec des participations sur des noms bien connus comme Through the Age, Tzolkin, Underwater Cities ou Praga Caput Regni.
Dans Les Ruines Perdues de Narak (que nous nommerons simplement Narak pour la suite 😊 ), vous êtes des explorateurs découvrant une nouvelle île dont la jungle se sépare entre marécages et collines. Sur les 5 manches du jeu, vous pourrez réaliser des actions diverses selon vos ressources (argent, temps, manuscrits, pointe de flèche, joyau). Ce qui est intéressant c’est que ce sont des combinaisons différentes qui sont nécessaires selon le type d’action, il faudra donc bien gérer celles-ci et surtout l’ordre de résolution.
Au début de manche, chaque joueur pioche 5 cartes (sur 6 au départ) et chaque carte (sauf les pénalités appelées Peurs) ont deux effets : un pouvoir au centre de la carte et un moyen de locomotion dans le coin de la carte. Vous devrez donc les utiliser avec intelligence, au bon moment pour ne pas perdre de moyens durant un tour. Ce sont évidemment des cartes de base, car vous pourrez acquérir des objets (surtout en début de partie) et des artefacts (plus en fin de partie) qui s’ajouteront dans le cycle de vos cartes et disposeront d’un pouvoir plus intéressant.
Les actions qui s’offrent à vous sont multiples et variées dont :
- Acquérir un artefact pour du Temps et appliquer son effet immédiatement
- Acquérir un objet pour de l’argent et le piocher certainement au prochain tour
- Envoyer un de vos deux explorateurs sur un emplacement connu (coût en déplacement seulement) ou à découvrir (coût en temps supplémentaire). Un nouveau emplacement révèle son pouvoir de manière aléatoire et est associé à une créature gardienne qui le protège. Chaque lieu produit des ressources plus intéressantes si elles sont loin du camp de base. Un nouvel emplacement fournit en sus une (des) idole(s) qui seront utilisées en tant que bonus de production contre une perte de PV croissante.
- Chasser un animal gardien : En payant les ressources indiquées, on récupère le gardien qui rapportera 5 PV et un petit pouvoir à usage unique.
- Progresser sur la piste des Ruines de Narak sur deux marqueur : La loupe et le carnet de notes. La loupe permettra de disposer de plus de PV de fin de jeu, tandis que le carnet apporte surtout deux assistants aux pouvoirs variés (et quelque peu déséquilibrés). Des bonus à usage unique sont aussi sur le chemin (à multiples voies) pour les premiers arrivés.
Alors que l’on se dit en voyant sa main lors des premières parties que l’on ne va pas faire grand-chose, on apprend avec le temps à utiliser différemment ses ressources pour réaliser somme toute bien plus d’actions que l’on imaginait. Et si lors des premières parties on trouve que certains artefacts ou objets sont surpuissants (j’étais dans le cas), on constate à force de parties qu’à part quelques rares cas où un de ceux-ci particulièrement intéressant arrive disponible au premier tour, ils ne font pas LA partie.
Narak dispose de deux faces au plateau central, celle du verso (le Serpent) apportant une progression vers les ruines radicalement différente, brisant les habitudes prises par un joueur, le forçant à revoir une part de sa stratégie et apportant ainsi une rejouabilité accrue. Une partie « de base », se gagnera entre 75 et 80 PV, en répartissant ses efforts sur les lieux (et gardiens) et la piste des Ruines.
Quelques grandes lignes directrices semblent ainsi nécessaires pour réaliser de bons scores, comme disposer rapidement d’assistants (de préférence ceux apportant des ressources) et d’explorer des lieux. Les ressources vous permettant de faire plus d’actions, il faut viser un développement dans ce sens. En multipliant les parties (merci BGA) on constate que certaines ouvertures sont systématiquement réalisées par les vainqueurs et on peut se demander si après avoir atteint un niveau important de joueur on ne fait pas un peu toujours le même type de partie, la différence se portant sur l’ordre d’apparition des cartes et les actions disponibles. Heureusement cette partie aléatoire permet d’avoir des sensations variées et aucune assurance du résultat final. On apprendra simplement à avoir certaines ressources sous la main pour éviter des pénalités dues aux gardiens que l’on ne pourrait combattre.
Narak a un faux semblant de jeu familial. Ses règles sont simples, on le prend en main dès la première manche, il est beau et dans le thème, on construit et se développe gentiment. Pourtant, ce n’est qu’un air, car il faut être Expert pour parvenir à bien organiser ses ressources, l’ordre d’acquisition et de dépense, l’estimation de la force intrinsèque d’une carte, l’urgence d’une action. Il a une marge de progression qui se fait sur quelques parties et rapidement les différences de fin de partie entre les joueurs sont de quelques points.
S’il fonctionne aussi bien de 2 à 4, il est plus agréable à 2 (plus d’espace et plus rapide) qu’à 4, où l’espace réduit provoque une limitation des ressources, mais surtout il souffre de lenteurs dû à la réflexion nécessaire des joueurs pour gérer leurs tours présents et à venir. Si l’on veut de l’interaction sans nuire au temps de jeu on le préfèrera donc à 3 joueurs, si l’on aime plus de frustration et que l’on a le temps il sera parfait à 4 et si l’on préfère réaliser le meilleur montage de ressource dans un temps raisonnable, deux joueurs seront la meilleure configuration. Il y en a donc pour tous les types de joueurs avec Narak et vous pourrez prendre plaisir avec le dilettant ou le calculateur. Je n’ai plus qu’à vous souhaiter un bon voyage !