Messina
Si je regarde dans le rétroviseur de l’EGA, je vois que 4 auteurs ont réussi à se placer plusieurs fois en finale avec des jeux : Luciani (3 x dont une victoire), Suchy (2 x dont une victoire), Turczi (2 x) et Pfister (2 x). Du coup, quand un de ces auteurs sort un nouveau jeu expert, on en espère toujours un peu plus que les autres. Verra-t-on cette année un auteur passer le cap des deux victoires ?
Messina 1347 est le dernier jeu de Vladimir Suchý, mais qui est accompagné cette fois de Raúl Fernández Aparicio. Bien sûr, c’est toujours sa maison d’édition, Delicious Games qui l’édite, vu qu’on n’est jamais aussi bien servi que par soi-même. 😊 Pas d’illustrateur fixe chez eux, puisque c’est à Michal Peichl qu’ils ont fait confiance et qui signe ainsi son deuxième jeu.
Pour celui qui cherche à s’évader dans les jeux, il risque d’être déçu puisque Messina 1347 nous plonge dans le début de la peste noire qui va déferler sur l’Europe en passant par les bateaux et les rats, provoquant la mort de 33 % de la population. Messina étant la première ville touchée en accueillant les navires venant de la Mer Noire (d’où le nom de Peste Noire) avec le bacile de Yersin véhiculé par la puce du rat, il était normal d’utiliser son nom dans ce jeu.
Le plateau central propose donc la ville de Messina, avec des tuiles au placement aléatoire mais selon un modèle différent selon le nombre de joueurs et bordé de 4 docks pour les bateaux infectés. Chaque joueur aura un plateau personnel avec 3 zones, chacune dédiée à un type de population (aristocrate, nones, travailleurs) que l’on va sauver de la ville. Trois wagons de quarantaine permettent de laisser de côté, le temps de la récupération en deux tours de jeu, les personnes qui ont été en contact avec des rats pour éviter la dissémination de la maladie.
Lors de chaque manche, on utilisera une roue pour définir sur quelles tuiles on place des marqueurs de rats et des villageois des 3 types. Si l’emplacement des villageois est peu important dans la gestion, l’apparition des rats est importante surtout lorsqu’on aura décidé de renvoyer des gens en ville pour la repeupler. Hélas, le cycle de pose des rats est facile à retenir et manque donc un peu de hasard ou de surprise.
Chaque joueur jouera une action à son tour, tant qu’il dispose de lieutenants. Le déroulé des actes posés par le joueur sont assez simples :
- Choisir une tuile : La tuile doit être libre de lieutenant et on peut y envoyer le sien (si encore sur son plateau) ou déplacer un lieutenant déjà présent du tour précédent (qui est alors couché pour l’indiquer). La première case est gratuite, les autres sont coûtent un sou. Au pire, on peut en ramener un qui ne pourrait ni réactiver la tuile actuelle, ni se déplacer, et gagner un sou.
- Sauver un citoyen (s’il y en a) : S’il est sur une case avec un rat, il part dans une roulotte de quarantaine, sinon, il part sur une case du tableau de son type. Case qui pourra être activée (et produire) lors du déplacement d’un surveillant.
- Combattre la peste : On crame du rat avec des jetons de feu. Des doubles feu permettent de brûler les rats d’une case adjacente et en fin de partie il faudra deux jetons pour éliminer un seul rat. Chaque rat brûlé vous fait gagner 1 Pt sur la piste de population tandis que chaque rat laissé en vie sur votre tuile vous vaut un jeton rat (qui sera une pénalité de PV en fin de jeu).
- Activer la tuile : On termine le tour en réalisant l’action de la tuile sur laquelle on se trouve OU on repeuple la tuile avec un de ses marqueurs spécifique, ce qui nécessite de payer en ressource, en villageois et de disposer d’un chariot. Une tuile repeuplée fera gagner 2 PV à son propriétaire chaque fois qu’elle est activée, mais inflige un marqueur rat à chaque fois qu’on y pose un cube (d’où l’importance de savoir où ils vont arriver surtout dans les derniers tours).
Comme souvent avec Suchý il y a pléthore d’actions possibles sur les tuiles, mais aussi sur le plateau du joueur sur lequel va évoluer un surveillant qui fera un petit tour et activera les citoyens de son genre qu’il croisera pour les faire travailler (et produire d’autres actions). Dans les actions types, on retrouvera :
- Recevoir des ressources : Bois, or, feu
- Progresser dans les pistes : Ville, Eglise, Parchemin
- Agir sur le surveillant : En l’avançant ou en l’améliorant pour activer 2 citoyens
- Améliorer un citoyen : En retournant son jeton, on a accès à sa forme évoluée qui rapporte 1 PV s’il travaille et est nécessaire pour certains jetons de repeuplement
- Construire : L’action la plus utile sur le long terme puisqu’elle permet (moyennant ressources) d’acquérir des maisons de travail ou de quarantaine qui rentabiliseront vos citoyens (sains ou pseudos malades) à chaque fin de manche pour produire quelque chose. On y construit aussi les chariots qui permettront de repeupler la ville et source d’une grosse part des PV.
En fin de manche, on fera produire les gens dans les maisonnettes, on avancera les gens en quarantaine vers la sortie (où ils pourront aller sur le plateau personnel ou dans une maison de production libre). S’en suit une série d’actions de nettoyage et de préparation de la manche suivante somme toute habituelle, dont l’ordre du tour qui dépend de pistes différentes selon les tours.
La fin de jeu arrive après 6 manches et les petits rats accumulés par les joueurs leur feront perdre des places sur la piste de population, avant de scorer sur les pistes diverses et leurs tuiles de repeuplement mises en jeu.
Messina se joue bien, est rythmé et interactif sans de grands temps morts, mais avec des réflexions importantes pour parfois arriver à cumuler les actions en chaîne. On s’intéresse aux autres joueurs pour définir l’urgence de tel ou tel coup selon leurs ressources disponibles et on veillera à les bloquer sur une tuile ou les priver d’une action trop utile à un instant T.
Il y a beaucoup d’actions à imaginer et c’est ce qui fait souvent la force des jeux de Suchý, sans grande pression lié à une action sur laquelle tout le monde doit foncer. Chacun peut trouver sa voie, quoique les chariots semblent nécessaires pour scorer le repeuplement de la ville. Mais comme les premiers sont les plus chers, ceux qui arrivent après, dû à un mauvais départ, auront moins de travail de collecte de ressources pour en faire l’acquisition. Toujours cette volonté égalitariste qui existe dans son chef. Du coup, c’est plaisant et on ne couine (comme un rat) que lorsque l’on vous fauche une place de repeuplement que vous visiez depuis 2 tours. Mais on se rabat sur autre chose et on repart sans trop de peine. Un poil plus léger que ses deux dernières réalisation, Messina reste résolument dans la même veine de jeu plaisir. C’est heureux car le thème initial était plutôt morose… 😉