Merv
Dans tout palmarès il y a celui qui a manqué le podium d’une marche, qui rate de peu la visibilité qu’il mérite et qui trouvera toujours des fans regretter qu’il n’ait pas eu la place qu’il méritait tant. S’il n’a souvent pas démérité, ce sont des petits détails qui lui ont coûté son classement. Mais que cela ne rebute personne, 5ième sur la production d’une année, cela donne un certain cachet à un jeu expert.
Merv : The heart of the silk road est un jeu de Fabio Lopiano (l’auteur de Calimala et Ragusa, avant Zapotec en 2021) édité chez Osprey Games (en VO) et qui le sera par Atalia en VF d’ici le printemps. C’est le talentueux Ian O’Toole qui signe les illustrations, ajoutant une pierre de plus dans son jardin.
Merv est une cité qui fut florissante dans le passé, avant d’être rasée par les mongols en 1221 et définitivement abandonnée au début du 20ième siècle. On va jouer dans le passé florissant de Merv, lors des invasions mongoles qui ponctueront la fin des 2ième et 3ièmes manches.
Chacune des 3 manches vont se dérouler en 4 round, où vos personnages évolueront autour de la ville, sur un de ses côtés (N-E-S-O). Sur un round, chacun va placer son personnage sur une case du côté de la ville, agissant sur la ligne/colonne associée. Il peut alors construire un bâtiment sur cette ligne ou activer un autre déjà construit. Ce faisant, il va profiter de deux choses : le pouvoir de la case sur laquelle est le bâtiment et les ressources de tous les bâtiments de même couleur sur la ligne/colonne activée. Si je bâtiment est à une autre personne, le joueur touchera aussi une partie de cette production.
Les actions sous les bâtiments permettent de :
- Construire des murs pour se protéger des invasions mongoles et récupérer de l’influence selon le propriétaire des maisons protégées
- Prendre des cartes d’épices dans une caravane pour viser des séries différentes pour des PV de fin de jeu et des PV de fin de manche.
- Prendre place dans le palais pour des PV de fin de manche
- Avancer dans la mosquée pour gagner des avantages et des PV de fin de manche (loin dans la mosquée)
- Acquérir des livres pour des bonus permanents ou one shot
- Réaliser des marchandage avec les villes voisines pour des biens communs ou de luxe
Avec ses biens récoltés on réalise gratuitement des contrats (de moins en moins lucratifs), tandis qu’en fin de manche on paiera en prestige ses représentants au palais pour toucher des PV selon ce que l’on a récolté depuis le début du jeu. Si l’on ne désire pas réaliser l’action d’une maison, il est possible de gagner un point de prestige ou de placer un soldat pour protéger une maison qui ne profiterait pas des murs de la ville contre les mongols.
Chaque fin de round permet de redéfinir l’ordre du tour en donnant au joueur logiquement dernier pour le tour suivant de payer en chameau pour glaner de meilleures places, tandis que le mieux placé prendra au final la place restante en récupérant les chameaux laissés par ceux voulant s’avancer. C’est une gestion intelligente de la chose qui change de nos habitudes.
Ces chameaux se prennent et se donnent pour réaliser des actions plus utiles, glaner des places, des meilleurs échanges,… Ils tournent dans un circuit fermé sans être totalement obligatoires pour le jeu. C’est fin, c’est malin et très équilibré.
Les joueurs peuvent développer leur jeu selon les axes qu’ils décident de prendre, chacun semblant intéressant sur l’ensemble du jeu. A quatre joueurs il est possible que certaines actions soient « mortes » car il n’y aurait plus d’intérêt ou de disponibilités pour les faire. C’est le cas pour le Caravansérail ou les murs, tandis que vous pouvez être en haut de la mosquée ou n’avez plus d’intérêt à démarrer seulement les livres. Ce n’est pas le cas à 3 joueurs, puisque l’on retire moins de cartes/murs du jeu. A deux joueurs l’interaction est moins forte, et, bien qu’il fonctionne malgré tout il perd quelque peu en attrait.
Merv est un très bon jeu, relativement simple dans ses règles, profond dans sa gestion et disposant de multiples voies de jeu. S’il méritait d’être dans les 4 finalistes c’est sans doute sa fin de jeu à 4 joueurs qui l’ont fait trébuché, mais tout le monde n’a pas nécessairement une configuration habituelle de 4 personnes, surtout en temps de crise sanitaire. Dans un classement tout se joue sur les détails, mais sur une table de jeu Merv peut y trôner sans aucune honte.