Flotilla

Un prix décerné pour les jeux Expert par des Experts

Flotilla

Une review, cela n’a l’air de rien, mais cela nécessite de multiples parties en amont et d’analyser correctement un jeu, dans ses forces et ses faiblesses, sans exagérer l’une ou l’autre. Afin de ne pas rater un point de vue, les avis de la communauté, soulignant ou détruisant une de ses facettes est aussi pris en compte. Mais quand vos ressentis semblent à contre-courant de tout le monde, mieux vaut patienter, prendre du recul et laisser passer le temps, la hype, pour ensuite y rejouer avec un regard neuf. Quand le jeu sort en VF 16 mois après la VO, l’occasion est belle.

Flotilla est un jeu conjoint de J.B. Howell, l’auteur de Gates of Mara, mais aussi de Papillon, Reavers of Midgard et d’une floppée en développement, et de Michael Mihealsick qui sortait Manchukuo en 2020. Si la VO de 2019 était sortie chez Wizkids, c’est chez Intrafin qu’arrive enfin la VF et ce délais semble habituel quand l’éditeur originel est Wizkids. Niveau habillage graphique, c’est Bartek Fedyczak qui a déjà une trentaine d’œuvres à son actif, mais que l’on connaît surtout pour son travail sur Vindication.

Dans Flotilla, vous arrivez après un test militaire sur un atoll, provoquant raz de marée, réchauffement planétaire et fonte des glaces, forçant une large par de l’humanité de se réinventer et de vivre sur l’eau. Des amas de constructions flottantes constituent la Flotille, qui est alimentée en ressources par des pêcheurs, parfois au péril de leur vie.

La première chose qui fait de Flotilla une œuvre originale (comme souvent dans les propositions de J.B. Howell), c’est qu’il propose deux facettes au jeu. Vous allez pouvoir jouer en tant que pêcheur ou en tant que constructeur de la Flottille (les célestes) dans la même partie. Chaque facette a ses propres spécificités et règles et vous décidez quand vous « changez de jeu », que ce soit dès le premier tour (ne jouant pas le pêcheur) ou jamais (ne jouant QUE le pêcheur). Pouvoir décider cela c’est déjà génial.

Le nombre de tour de jeu dépend de la rapidité à laquelle vous récolter des PV. Il y en a 100 par joueur (de 3 à 5 joueurs, donc pas pour les binômes) et une fois vidés, on termine le tour et on en fait un bonus (on prend encore des PV dans la réserve du jeu). A son tour on jouera une carte de sa main, à la façon de Concordia (une référence gage de succès habituellement) puisque l’on retrouve une carte pour récupérer ses cartes en jeu (et toucher des sous selon celles jouées avant) ou la possibilité de copier la carte visible d’un autre joueur.

Les cartes à jouer sont divisées en 4 grandes familles :

  • Les Orateurs : Beaux parleurs, ils vous font gagner de l’influence dans les 4 clans, vous permettant aussi d’engager de nouveaux personnages
  • Les Fouilleurs : Ceux qui plongent pour récupérer les ressources (côté plongeur) ou réalisent des découvertes techniques (côté céleste).
  • Les Négociants : Ceux qui achètent / vendent les ressources.
  • Les Fondateurs : Ceux qui piochent des tuiles pour ouvrir des zones de pêche ou des montages d’augmentation de la Flottille.

Chaque carte a deux faces, chacune avec son pouvoir adapté à la partie du jeu que vous réalisez (Plongeur/Céleste). Lorsque vous posez votre carte, vous gagnez des points de navigation (Plongeur) pour déplacer vos navires ou de l’or (Céleste). Suite à ce bonus, vous réalisez l’action de la carte.

Côté plongeur, vous allez ajouter des tuiles de pêche (de 3 types de profondeur), déplacer vos navires, pêcher (jeter des dés pour avoir le résultat) et commercer pour vendre le produit de pêche dans un marché qui influera sur le prix de vente (une vente fais baisser le prix de ce type de ressource).

Côté Céleste, vous allez toucher de l’argent avec des découvertes, acheter des ressources (faisant monter le prix), piocher des tuiles, construire les tuiles d’amas de navires pour toucher des PV selon leur taille lié à leur couleur.

Dans les deux factions, il faudra accumuler de l’argent pour réaliser les objectifs proposés par son « coté de jeu » en plaçant des constructions (de plus en plus chères) sur des gros cailloux (sur les tuiles) ou en payant un surplus monétaire. Les objectifs proposés sont variés et à 3 niveaux, cad que le premier qui revendique gagne plus que le deuxième, qui gagne plus que le 3ième et les suivants.  Un même joueur peut prendre plusieurs fois le même objectif (dégressif) et le troisième niveau autant de fois qu’il le veut (il reste toujours disponible).

Les constructions de tuiles (de pêche ou de flottille) ont deux impacts :

  • De pioche : Des symboles de contamination nucléaire vous font perdre des PV et cassent les égalités de fin de jeu.
  • De pose : Des symboles dans les coins mis ensemble (3 parties) vous font découvrir des artefacts avec un bonus immédiat et un gain de découverte pour les Célestes.

Quand (si) vous basculez de Plongeurs à Célestes, vous revendrez vos bateaux à un prix dépendant de votre rapidité à basculer (le premier revendra ses bateaux bien plus cher) et toutes vos tuiles de mer (exceptés celles avec des rochers) seront enlevées de votre plateau pour aller dans votre main. Elles seront utilisées sur l’autre face pour construire les bâtiments flottants. Plus vous aurez de ressources (en stock ou sur vos bateaux) et plus vous irez vite pour construire vos bâtiments flottants sans devoir passer par la phase achat.

Ce qui est intéressant c’est d’avoir une partie des joueurs Plongeurs et une partie Célestes, car les prix d’achat/vente s’équilibrent à un tarif « acceptable » par les deux parties. Un tarif de vente trop bas incitera rapidement des joueurs à passer Céleste, car l’argent est nécessaire pour acheter les objectifs. Dès qu’un joueur passe Céleste il y en aura rapidement d’autres, laissant souvent (à 5 joueurs) un seul restant Plongeur. Car, à nombre égal dans les deux factions, les Célestes ont un grand avantage pour la récolte d’argent, puisque chaque carte jouée rapporte automatiquement des sous.

En fin de partie, des PV seront accordés pour chacune des 4 factions aux joueurs ayant placé le plus de marqueurs sur celles-ci (lié à l’actions des Orateurs). En cas d’égalité (ce qui est courant), c’est le niveau de radioactivité de chaque joueur qui fera le départage. Comme les PV associés sont importants c’est potentiellement le vainqueur du jeu qui se joue sur la radioactivité.

Flotilla apporte un vent de fraîcheur sur les jeux de société, ce qui tend à être une marque de fabrique de J.B. Howell, avec ses deux jeux dans le jeu. Le style éprouvé de Concordia, le fait de pouvoir ou pas basculer durant la partie, le développement de ses personnages en avançant dans l’un ou l’autre clan sont autant de choses donnant systématiquement envie d’y retourner.

Pourtant, tout n’est pas rose. La pioche des tuiles avec pénalités radioactives impliquant des PV en moins en fin de jeu et la perte des égalités impliquant une perte de PV en opposition directe peut désigner le vainqueur. La (mal)chance dans les dés de pêche qui apportera encore plus de radioactivité et des pénuries de pêche (obligeant de piocher encore plus de tuiles pour les remplacer). Le fait que le Céleste accumule aisément l’argent (si nécessaire pour les objectifs) tandis que le pêcheur ne peut le faire qu’en vendant des ressources (dont le prix doit donc être élevé via les Célestes). Ce sont autant de parties du jeu qui peuvent aisément refroidir un joueur, surtout lors de sa première partie (pour peu qu’il accepte ensuite d’en faire une deuxième).

Pourtant, ces désagréments devraient s’équilibrer sur les joueurs et ne pas influer réellement sur le jeu. Une meilleure connaissance de l’équilibre de Flotilla basé sur un gros volume de parties permet plus facilement de contrer les problèmes rencontrés et maximiser les bénéfices (en ne vendant pas avant longtemps en étant le seul plongeur, pour attendre que le prix s’envole par exemple). Mais il faut avoir de l’expérience pour mieux appréhender votre partie, mettant alors encore plus de différences dans les points avec un nouveau joueur, n’aidant pas à l’inciter à y rejouer. Il vaut donc mieux monter en puissance avec un groupe de joueurs habitués qu’en multipliant les découvertes.

On regrettera l’absence d’un mode deux joueurs (et je ne parle pas du mode solo que certains affectionnent) mais on notera la possibilité de jouer à 5, en acceptant d’attendre plus longtemps avant son coup lorsque qu’un joueur venant de piocher hésite entre plusieurs tuiles. Si j’ai difficile à le sortir, Flotilla m’attire à chaque fois que je me remémore ce qu’il offre comme potentiel de jeu, tellement c’est intéressant. En même temps, en cours de partie on en vient toujours à faire un commentaire sur la chance et l’inutilité des radioactivités. Sans doute ces quelques désagrément l’ont empêché d’être finaliste en 2019. C’est dommage car le jeu le méritait… Heureusement d’autres que nous le trouvent toujours excellent et ce sera aussi le cas avec cette sortie en Français pour sans doute le jeu expert avec le plus d’originalité de 2019… et peut-être 2021 en VF. 😊

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *