Icaion

Un prix décerné pour les jeux Expert par des Experts

Icaion

J’aime bien quand un éditeur développe son monde, qu’il nous propose plusieurs jeux dans le même univers, cela ajoute de la consistance à l’histoire globale qu’il nous propose. Cependant, cela présente aussi un double risque : que ceux qui n’avaient pas aimé/accroché au premier jeu de l’univers ne se penche pas sur la suite et que ceux qui avaient adoré le premier soient déçu des jeux suivants. Du coup, est-ce un bon plan ou un pari risqué ?

Icaion de Tabula Games est déjà le troisième jeu qui se place dans le monde de Mysthea. Mais contrairement à Volfyirion qui faisait dans le jeu de carte rapide ne reprenant que l’univers, on retrouve ici un plateau de jeu et des figurines, mais surtout les auteurs Martino Chiacchiera et Marta Ciaccasassi. Pour les illustrations, on garde évidemment le canadien Travis Anderson pour la cohérence visuelle.

Dans Icaion, vous êtes des aventuriers qui récoltent des Qoams, les cristaux de Mysthea, autour de la ville ancienne. Vous cherchez aussi à en apprendre plus sur le mystérieux Colosse que l’on voit évoluer dans les ombres, d’un cratère à l’autre, tout en traînant derrière lui des parasites qui détruisent vos machines d’exploitation.

Après avoir tiré au sort ou choisi votre aventurier et son pouvoir propre, vous faites de même avec son matériel privilégié. Les deux définissent le nombre de cartes maximum en main et jouées devant vous, ainsi que les Qoams de départ, rangés dans une des deux cages de transport disponibles. Placé sur un des nœuds entre les régions, vous êtes prêts à partir explorer dans les 3 manches que comportent le jeu.

Chaque manche se divise entre 5 et 8 tours, selon la chance du tirage. A chaque tour, vous placez en jeu une des cartes de terrain ou du Colosse, chargeant en ressources (et parasites éventuellement) les 3 régions associées au terrain ou en faisant bouger la bête. Dès que les 5 terrains ont été révélés, c’est la fin de manche. Tant pis si le Colosse n’a pas agi cette fois, faisant ainsi varier le nombre de tour d’une partie entre 15 et 21. Des parties plus courtes et c’est souvent vos plans qui tombent à l’eau. 😊

A votre tour, vous devrez vous déplacer de 1 ou deux nœuds ou payer un Qoam bleu pour rester sur place. Selon le développement de votre plateau personnel, il sera aussi possible de mouvements supplémentaires moyennant finance de cristal bleu. Vient ensuite la possibilité de réaliser une action standard et une action spéciale dans l’ordre de votre choix.

Les actions standard sont :

* Déployer une machine : de 3 types, elles s’installent de gauche à droite depuis votre plateau et coûtent des ressources selon le terrain choisi (les Qoams bruns faisant office de Joker ici). Vous ne pouvez placer qu’une machine de chaque type sur un terrain et jamais deux de la même couleur. Les PV gagnés ainsi sont une multiplication du prix de pose (1 cristal par machine présente la vôtre comprise) par le nombre de machine du même type dans les régions adjacentes. Prix et PV croissant donc.

* Récolter des Qoams : 1 par région adjacente, plus l’activation de toutes vos machines. Les récolteurs vous permettent de prendre une ressource de plus, les farfouilleurs une carte de curiosités et les raffineurs 2 PV. Les cristaux récupérés sont à placer dans une cage libre. Si aucune ne l’est, il faudra en vider une, pas question d’ajouter à celles déjà remplies.

* Eradiquer les parasites : Moyennant un cristal blanc, vous tuez un parasite (plus si vous avez libéré les machines associées). Libre à vous de payer plus de cristal pour réaliser l’action plusieurs fois.

* Prendre/poser un appareil : Ils se trouvent dans la ville centrale et doivent se poser dans un cratère de la couleur associée. C’est la source de vos PV, ils scoreront une fois lors de leur prise et une fois en fin de jeu. Double face, les conditions de PV varient donc d’une partie à l’autre. Précisons que l’on ne peut en prendre qu’un par âge et jamais deux fois la même couleur.

* Enquêter sur le Colosse : En tirant au sort un des éclats primaires placés en début de manche sur le socle du Colosse, les joueurs paieront entre 1 et 3 Qoams rose selon leur chance (pour autant de PV). Les éclats sont la partie obligatoire du jeu, car ne pas en avoir en fin de partie sera doublement pénalisant. En PV négatif d’une part et en ne pouvant pas doubler les PV de vos appareils (un éclat étant associé à un appareil). Autant dire que vous abandonnez la partie d’emblée.

* Construire une Merveille : Cette action n’existe que si vous jouez avec l’extension proposée dans le jeu issus du KS, consistant à une construction à votre couleur, activant son effet quand n’importe quel joueur récolte dans la région où elle se situe. Vraiment une extension du jeu non nécessaire à une bonne partie, ce qui sera un bon point pour les retirages qui risquent fort de ne pas l’inclure.

Les actions secondaires se limitent à 2 possibilités, mais tellement importantes :

– Jouer une carte de curiosité : En payant son coût éventuel en Qoams vert, vous activerez son effet immédiat ou la garderez posée devant vous pour tout le jeu.

– Activer votre énergie de secours : De loin l’action la plus intéressante du jeu, car elle vous permet de choisir entre Piocher 1 ou 2 cartes / Jouer un nouveau tour (hors action spéciale) / Prendre des Qoams. Cette énergie se réactive au tour 5, en début de manche et lors de la construction d’un Raffineur.

En fin de manche, les joueurs ayant éliminé le plus de parasites se voient largement récompensés (à 4 joueurs ce sera 10-6-2-1 PV à gagner). C’est une source de revenus que l’on ne peut négliger. En fin de partie, il reste à compter le nombre d’éclats primaires de chacun (de 0 à 5) et les PV associés (30-20-10-5-0 ou -15 selon le nombre). Les appareils installés sont comptabilisés (double si vous avez des éclats à leur associer), on ajoute les cristaux encore présents dans vos cages et on connaît le vainqueur. Les différences de points entre joueurs peuvent varier entre 3 et 60, souvent associés à la présence ou l’absence des éclats chez l’un ou l’autre. Preuve qu’ils sont au centre du jeu avec le Colosse.

Si les règles sont relativement simples à lire et à expliquer, elles sont pleines de profondeur dans le jeu. Il vous faudra choisir entre construire et récolter, gérer les déplacements du Colosse pour faire une enquête (voire plusieurs en un tour avec l’énergie de secours), tuer les parasites pour scorer en fin de manche, tout en allant au bon moment chercher un appareil pour assurer des PV et la victoire. Soit autant d’actions que l’on désire réaliser dans si peu de tours. Heureusement que la gestion de l’énergie de secours vous aidera dans votre plan d’action, car sinon un sentiment de frustration sera bien présent.

La gestion des constructions et les PV croissants (lié au coût) permettent de garder des joueurs dans le même rythme. On voit en fin de manche des joueurs assez proches, l’ordre du tour étant alors redéfini (du moins de PV au plus), permettant de ne pas se sentir largué dans le jeu jusqu’à la fin.

Les personnages (assez nombreux) et objets associés permettent une grande rejouabilité. On préfèrera une sélection de ces derniers comme dans Terramara (une carte à la fois du 1er au dernier joueur puis du dernier au premier) quand les joueurs connaissent le jeu, pour mieux associer personnage et matériel ou éviter de tomber toujours sur le même.

Les appareils et leurs PV sont variés et si vous jouez à 4 ou 5, il faudra aussi se battre pour en tirer les meilleurs, surtout au dernier tour où leur PV immédiat est le plus important. Le gain qu’ils offrent n’est pas égal (de 6 PV à 25 PV) et il vous faudra ne pas rater le plus juteux sous peine de perte presqu’évidente. Deux tuiles font ainsi question, tant leur rapport peut être important : La Rose qui offre 5 PV par Eclat primaire (qui eux-mêmes rapportent si nombreux) et la noire qui paie 2 PV par parasite. Les deux sont contrables, mais cela nécessite des joueurs attentifs et peut-être des actions qui n’étaient pas dans leurs plans. On préfèrera sans doute jouer sans cette face à problème tant que tous les joueurs ne seront pas aguerris.

Les éclats primaires sont vraiment la pierre angulaire du jeu et si vous ratez ces derniers dans la première manche, veillez à en prendre 2 dans la suivante. Cela nécessitera de vous positionner pour être assez proche du Colosse pour y être dans votre premier coup, tout en anticipant sur son éventuel déplacement immédiat. La possibilité de jouer deux fois dans un même tour via l’énergie de secours peut vous remettre dans le jeu, en espérant que vous tirerez des coûts d’éclat à la hauteur de vos moyens. Sinon, vous enlèverez au moins un de ceux-ci à vos adversaires, c’est autant de points qu’ils ne feront pas.

Icaion est une vraie réussite, malgré une asymétrie assumée. Rejouabilité, Interaction, Stratégie, Tactique, Opportunisme sont des maîtres mots de vos parties. Soutenu par un matériel de top qualité digne d’un Eagle-Gryphon Games, il ne fera pas tâche sur votre table. Ceux qui n’aiment pas le contrôle de zone de Mysthea seront ravi de trouver un style tout différent dans Icaion, sans tomber dans le Collecte-Contrat à l’allemande.

Cerise sur le gâteau le KS vous propose The Fall, une enveloppe contenant un paquet de cartes et une règle pour un nouveau jeu, de coopération cette fois, alliant du matériel de Mysthea et d’Icaion. Quelle idée excellente pour inciter les gens à obtenir plus de jeux de la gamme. J’imagine que cela ne sera disponible qu’en achat annexe lors du retirage d’Icaion, mais cela aura au moins fait plaisir aux acheteurs du KS.

Son seul problème, à ce bel Icaion, c’est sa disponibilité. Ou plutôt son Indisponibilité… Car Tabula Games n’en vend plus sur son site et les prix en occasion sont entre 10 et 50 % plus cher que celui du KS. Il faudra attendre un retirage lors d’un prochain jeu de Tabula Games pour voir les prix redescendre ou vous permettre d’en trouver une copie. En attendant, comme j’ai la chance d’en avoir une, je crois que je vais y retourner ! 😊

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