Factory 42

La DA (Direction Artistique) est, et restera, un des sujets de discussion de tous nos jeux. Parfois ce n’est qu’une question de goût personnel, mais parfois… C’est à n’y rien comprendre. Comment peut-on faire des choix qui vont à l’encontre de la jouabilité ? J’essaie souvent de me dire que c’est un parti pris, que l’éditeur a voulu faire passer un message ou se positionner à contre-courant. Mais quand on frise l’injouabilité, quelle explication trouver ?
Factory 42 est le 9ième jeu de Timo Multamäki publié chez Dragon Dawn Productions, la maison d’édition Finlandaise dans laquelle il travaille. Niveau illustrations, c’est Lars Munck, l’habitué de la maison, qui signe celles-ci.
Factory 42 est un jeu de placement d’ouvriers nains, qui travaillent pour la gloire de leur patrie et répondre aux demandes de leur gouvernement en terme d’œuvres d’art. Chaque joueur aura ainsi 6 (ou 7 selon le nombre de joueurs) meeples nains à placer sur des actions, lors des 6 manches du jeu. Les actions possibles sont réparties entre le plateau commun et le plateau personnel des joueurs.
Chaque manche commence avec les demandes du gouvernement, une construction par joueur, sachant que plusieurs joueurs peuvent les réaliser et qu’elles ont 3 niveaux de qualité, rapportant plus ou moins de rosettes (sorte de ressource spéciale), avec un coût en ressource plus ou moins complexe.
Les joueurs vont ensuite placer leurs nains à tour de rôle (un à la fois) sur les actions que les joueurs vont réaliser par la suite. Chaque emplacement a des zones pour les workers (qui seront réalisées par ordre d’arrivée) et une seule pour le Commissaire qui régule souvent l’action. Ce qui est compliqué avec ce placement initial c’est qu’on n’a alors aucune idée des ressources qui seront disponibles quand elles seront réalisées, et encore moins celles que l’on parviendra à choper. Il faut donc se montrer souple et envisager des options de secours pour ne pas perdre de meeple sur des actions mortes.
On résout alors les zones d’action l’une après l’autre, dans l’ordre de placement des meeples.
* Dépenser des points pour acheter des ressources personnelles (stockage hyper limité) ou pour l’état
* Lancer dans une tour à ressources toutes celles achetées/disponibles pour le tour. Ce qui en sort seront celles vraiment dispo.
* Préparer des chariots à ressource (1 à 4) qui seront prises ensuite par ceux les mieux placés
* Alimenter le feu pour avoir une pression nécessaire aux constructions diverses
* Prendre des cartes d’invention (à construire) et de commande des elfes (à réaliser), qui donneront des bonus en les activant
* Aller au marché échanger des ressources selon le taux du tour
* Améliorer sa forge (stockage, pression, usage des ressources)
* Réaliser les commandes (du gouvernement et des elfes)
* Vendre ses rosettes et ressources contre des PV
Le tour s’achève en donnant des PV aux joueurs ayant participé aux demandes de l’état et en pénalisant tout le monde pour chaque demande non réalisée.
La mécanique du jeu est vraiment très intéressante de par la difficulté de déterminer ses actions et d’arriver à se projeter dans le futur probable des ressources à notre disposition. Il faut préciser qu’arriver à décrocher les ressources que l’on souhaite nécessite une belle combinaison d’actions, car remplir les chariots de ressources et arriver à les prendre sont deux choses différentes, donc deux zones d’actions différentes, qu’il n’est pas facile de prendre en première position, surtout à 4-5 joueurs ! On pourrait espérer que le marché soit une solution d’échange, mais votre entrepôt ne disposant que de 4 places, il sera vite trop court et vous devrez absolument en construire un autre (en arrivant à choper les bonnes ressources et en espérant avoir assez de pression pour la forge).
Une des manières de contrer la mauvaise fortune est de comprendre rapidement que Factory 42 est un jeu semi-coopératif. La coopération s’organise en réalisant des accords avec les autres joueurs, l’un assurant par exemple la pose de ressource dans un chariot tandis que l’autre le récupère et l’envoie éventuellement chez un joueur tiers. Ceci se faisant en échange, par exemple, d’une dépense d’énergie pour assurer la production du joueur « lésé ». Si un accord n’est pas suivi, une compensation en PV peut avoir lieu, histoire de jouer avec un brin de trahison éventuel.
Plusieurs choses cassent cependant cette bonne idée de mécanique semi-coopérative.
– L’explication initiale de 28 règles de placement ( 14 zones d’action * 2 types de meeples !!! ) qui ne seront sans doute intégrées qu’après une première partie (même si une part d’entre elles seront mieux gérées après 2-3 manches). Bien que les actions de chacun soient bien reprises sur les plateaux, leur pouvoir, impact et utilité mettront un temps à s’intégrer.
– Le temps de jeu ! Réparti en deux phases, d’abord la pose des ouvriers va irrémédiablement provoquer un gel de cerveau chez certains joueurs, les autres attendant sans fin qu’ils posent leur PREMIER ouvrier, essayant de s’imaginer quel sera l’enchaînement des actions nécessaires pour s’assurer des coups vivants et quel est l’ordre de placement en terme d’urgence. Ensuite la résolution des actions réservées nécessite de passer par 14 phases et d’activer les ouvriers de chacun dans l’ordre. Activation qui va nécessiter de nouvelles réflexions quand aux choix des cubes de ressources à sélectionner, aux accords à passer (s’ils ne l’ont pas été lors de la pose) et la réalisation du tout (en patientant quand vous n’êtes pas présent dans le type d’action en cours). Sans oublier que le Commissaire positionné peut changer la donne et le coût éventuel d’une action.
– La DA ! Les couleurs choisies pour les ressources sont, en main, bien tranchées et surtout les cubes sont de 3 tailles. Mais sur les cartes, l’éditeur a décidé de faire différencier les tailles en dessinant autour des cubes des trais gras, simples ou absents. Ces traits, associés aux couleurs trop proches des cubes, sont presqu’illisibles. Plusieurs fois on a dû trancher en prenant une décision pour décider de quel cube il était question. Ces questionnements cassent encore plus le rythme du jeu.
Factory 42 offre donc une mécanique de placement d’ouvrier avec priorité, nécessitant une bonne vision des actions réalisées (et de leur ordre) dans le futur proche. En jouant à 3 on peut se passer de la phase de négociation semi-coopérative, réduire le temps de jeu et maîtriser un peut plus ses actions. Reste une lisibilité des cubes de ressources pour lesquelles ont ne peut rien faire, à moins de retirer les cartes par soi-même. Daltoniens ou moins-bien voyant, passez directement votre chemin. Si on aurait pu excuser ces erreurs pour une nouvelle maison d’édition créée avec un KS, c’est moins acceptable quand on en est à près de 10 jeux édité. Dommage car il y a une vraie réflexion prévisionnelle dans Factory 42 qui donne envie d’y revenir…