Cloudage
Il y a des personnes qui achètent un jeu sur simple base du nom de l’auteur, comme d’autres vont voir un film sur simple base du nom d’un acteur. Dans un cas comme dans l’autre on pet en sortir déçu. Mais ce qui déçoit l’aficionados qui aimerait garder son idole dans un registre particulier peut faire plaisir au joueur/spectateur neutre qui ne se base que sur ses goûts personnels.
Après Maracaïbo, Alexander Pfister nous revient avec Cloudage, accompagné à la réalisation de Arno Steinwender que l’on connait peu, ses 37 jeux précédents étant plus axés famille et plutôt réservés au public allemand et autrichien. L’éditeur original est Nanox Games, mais la VO disponible chez nous l’est grâce à DLP games. Niveau illustrations, c’est Christian Opperer qui les signe après avoir opéré sur l’excellent et trop peu connu Pandoria.
Le pitch de Cloudage est que les affrontements se sont multipliés sur terre, menant à brûler les terres et les puits de pétrole. Un nuage de fumée masque désormais une partie de la terre, surtout les villes qui sont désormais aux mains de la faction Cloud qui a déclenché cette révolution planétaire. Certains mènent une lutte depuis des villes franches ou comme vous via des dirigeables qui vont de ville en ville, en quête d’eau et d’énergie.
Alexander nous propose une fois encore de jouer en mode aventure, comprenez que les parties se suivront en adaptant les règles ainsi que le plateau de jeu (composé de 4 plaques en enfilade) en ajoutant des modifications aux villes présentes ou des événements spécifiques. Les joueurs commenceront sur la gauche du plateau et pourront se déplacer chaque tour pour aller de ville en ville, combattre et récolter.
Cloudage est aussi un jeu de carte, chaque joueur démarre avec le même type dans sa pioche et en pour définir la force de ses actions ou combat. On va étoffer sa pioche au fil des manches pour améliorer ses cartes ou jeter celles les plus faibles.
Durant les 7 manches que comportent le jeu, les joueurs vont réaliser des actions l’un après l’autre :
- Vérifier si l’histoire avance
- Récolter de l’eau selon le niveau de leur aéronef
- Piocher 2 cartes, la plus petite pour gagner de l’énergie, tandis que la plus grande définira ses capacités de déplacement du tour.
- Se déplacer en récoltant éventuellement des ressources en chemin, s’obligeant à terminer son mouvement sur une ville (en payant de l’énergie au besoin)
- Combattre la milice de la ville pour gagner des ressources et PV, en piochant d’éventuelles cartes pour s’ajouter à la force de frappe initiale du dirigeable
- Choisir une action parmi 3 (2 au début) qui sera suivie par les autres joueurs (avec une force moindre) :
- Via une carte de ville partiellement visible (masquée par un sleeve nuageux) chacun mise sur un type de ressource qu’il pense rentable, le joueur actif empochant la carte (c’est ainsi que sa pioche s’améliore)
- Via l’amélioration de son vaisseau : directement du plateau joueur ou en posant des cartes de développement
- Via la reforestation du sol pour des PV ou des ressources.
Après les 7 manches, les PV du vainqueur seront dépendants des développements du vaisseau (plateau et cartes), des missions réalisées (objectifs personnels) et des spécificités de l’histoire.
La vraie nouveauté est cette sélection de carte dans un sleeve nuageux, l’auteur nous proposant plusieurs sleeves avec des nuages placés différemment pour masquer d’autres parties de la ville lorsque l’on y rejouera. Il faut ainsi deviner quelle ressource sera la plus représentée (et rentable), allant de 1 à 3 pièces. Des actions cachées sont associées, telle la possibilité de se débarrasser d’une carte de son jeu ou de construire en dehors de l’action associée. C’est amusant et chaque joueur prendra une des positions restantes après le choix du précédent.
Le mode histoire permet un apprentissage progressif des règles pour les joueurs non habitués aux jeux plus complexes, bien que les règles soient largement ingurgitables en une partie. Mais son principal avantage est la rejouabilité, proposant des modifications sur le plateau de jeu qui s’aménage et dispose de nouveaux endroits à visiter, de nouveaux points à récolter. Sans cela, si l’on avait un plateau fixe, figé, la rejouabilité n’aurait été faite que via les cartes de développement à jouer et l’ordre de tirage de sa pioche.
Avec cette histoire on est amené à vouloir refaire une partie rapidement, car un lien se tisse avec le monde, avec les personnages qui s’ajoutent, et on a envie de savoir si le combat contre Cloud arrivera à son terme positif (ce que l’on imagine) grâce aux actes des joueurs. Car si les joueurs se moquent des objectifs donnés par l’histoire les choses peuvent petit à petit se gâter, rendant les futures actions moins aisées. Et pour ceux qui ne comptent faire que quelques parties épisodiques un mode scénario permet d’avoir un aménagement du plateau pour appliquer en bloc les changements progressifs de l’histoire.
Le contrecoup de l’histoire c’est sans doute le « et après ? ». Une fois l’histoire terminée, que nous restera-t-il ? Rejouer à une étape inférieure à celle de la dernière partie, c’est un peu comme revoir un seul épisode pris au milieu d’une série à suivre. Sans doute les scénarios feront le taf et permettront d’avoir une partie normale, mais il manquera sans doute l’engouement de l’histoire. Mais ne boudons pas notre plaisir, car combien de jeux nous incitent à y revenir rapidement plusieurs fois d’affilée ? Si on y joue une dizaine de partie durant la première année on pourra dire que c’était un achat rentable, même si par la suite les parties deviennent espacées, gagnant petit à petit un goût de madeleine.
Cloudage n’est pas un jeu Expert. Il est plein de choix et de plaisir, mais il rentre plus dans la gamme des Connaisseurs. C’est un jeu passerelle qui permet aux joueurs Famille de monter en douceur un cran plus haut. Ce n’est pas un problème, c’est même une grande qualité pour un jeu, mais ceux qui en feront l’acquisition sur simple base du nom de l’auteur, espérant un tout autre type de jeu, risquent d’être déçus. Pourtant, nulle part il n’est indiqué que le jeu est complexe, que du contraire avec son accessibilité dès 10 ans (vérifié avec ma fille) on doit bien comprendre que l’on est sur une gamme plus légère.
Rapide et plaisant, jeu passerelle, histoire amenant à y revenir, autant de qualité faisant de Cloudage est un jeu qui mérite d’être partagé autour d’une table. Il faut juste que les joueurs soient alignés sur le type de jeu devant eux pour ne pas en attendre plus qu’il n’a à offrir. Mais tout ce qu’il donne c’est un profond délassement et on ne peut que l’en remercier.