Bier Pioniere
Rien n’est plus personnel qu’un avis sur des illustrations de jeu. Combien de fois n’ais-je entendu qu’un jeu était « un superbe parti pris » pour l’un tout en ayant « un look de proto mal fini ». Pourtant, la qualité des illustrations font, à mon sens, une partie du plaisir du jeu, sans parler du facteur achat impulsif en magasin. Alors, quand je vois des graphismes faisant très 20ième siècle, je n’arrive à lui trouver des excuses que si le thème « forçait » à s’adapter (cfr Bruxelles). Sinon… c’est la déception visuelle assurée.
Bier Pioniere est un nouveau jeu du spécialiste de la Rhur et du charbon : Thomas Spitzer. C’est Spielefaible (dont le nom ressemble à une faute de gout pour les francophone) qui l’édite en allemand (l’anglais n’est pas inclus dans la boîte, malgré une traduction des cartes sur BGG et des règles anglaises fournies à Essen) et qui a demandé à l’illustrateur préféré des allemands (peut-être plus que d’eux) Harald Lieske de réaliser le travail graphique.
Dans Bier Pioniere, on se replonge dans le milieu du 19ième siècle où l’on va développer sa brasserie, multiplier les brassins et réaliser des contrats de vente. Le nombre de manches est variable puisque c’est le premier joueur à 20 PV qui signera la fin des festivités alcooliques.
Chaque joueur dispose d’un plateau personnel dont la plupart des possibilités sont barrées par des triangles de blocages ou des plateaux d’empêchement. Il faudra les enlever pour s’ouvrir de nouvelles options ou simplement des places de stockage. Le plateau regorge de petits bonus qui seront activés au fil de vos actions et donnent le plaisir de l’amélioration durant toute la partie.
Le plateau central est une accumulation de zones d’action où placer nos meeple. C’est justement le placement de ces meeples qui font de Bier Pioniere un jeu Expert. Il y a 4 sortes de meeple et chacun a sa zone d’actions dédiée. Comme on joue un meeple à la fois, on choisira autant sa zone que son action et si le premier joueur est important, il est simple de lui ravir la place en commençant par le meeple qui gère l’ordre du tour. Mais peut-être voudra-t-on jouer son camion pour faire une vente ou encore l’un de ses deux meeple d’action standard pour avoir un bonus ou une place plus prisée.
Les actions sont simples mais permettent de se développer et de se projeter dans les prochains tours, tout ce qu’on aime. D’une part, on mettra en place des brassins, dont la durée de fermentation dépendra de son niveau d’expertise. On fera donc des actions pour accélérer ce temps pour ne pas se borner à attendre la fin de manche pour avancer. D’autre part, on développera son plateau en libérant des triangles, améliorant son expertise, stockant des futs ou formant ses meeples pour gagner plus facilement des bonus. Ces bonus sont une petite action en plus offert si la somme de la case d’action et de la valeur faciale du meeple atteint au moins 6. Du coup, on court parfois pour avoir une des places activant ces bonus, encore un choix de jeu.
Et puis, il y a les cartes… Acquises sur une rivière, dont le choix dépend de son niveau de « bière ». Elles ont 3 zones d’action (beige, violet et blanc), dont seulement 2 sont activables, et permettent soit d’améliorer vos productions, soit de livrer des bières, soit d’avoir un bonus one shot ou permanent (avec ou sans visage blanc). Il faudra activer une des zones du plateau général (ou personnel) pour les jouer, mais c’est toujours un crève-cœur de devoir choisir entre une de ses actions au détriment de l’autre.
Bier Pioniere est donc un jeu de placement d’ouvrier de type multiple, visant une production qui sera valorisée via vente. La course au points est superbement équilibrée et il n’y a pas qu’une manière de s’en sortir, il suffit de se reconvertir dans une piste quand quelqu’un bloque celle que vous visiez. C’est simple, cela se joue en observant les autres joueurs et dans une durée réduite (25 minutes par joueur), tant à 2 – 3 ou 4. On se trouve dans de l’Expert léger, mais de l’Expert plaisant.
Henning (le boss de Spielefaible) me disait à Essen que c’était sans doute leur jeu le plus aboutit et je ne peux que confirmer ce sentiment. J’espère maintenant qu’une localisation française se fera, avec peut-être en bonus un revamp des illustrations pour être plus moderne même pour un sujet de près de 200 ans. En attendant, je continuerai mes parties, même avec une copie aux cartes allemandes, c’est dire si l’exercice de traduction m’importe peu tellement j’ai plaisir à y jouer. Je crois que Spielefaible a enfin trouvé son jeu référence !