The Grand Trunk Journey

Un prix décerné pour les jeux Expert par des Experts

The Grand Trunk Journey

J’ai l’impression que chaque année on a droit à un jeu avec une mention ou un thème qui touche aux trains. Je ne parle même pas des opus de 18XX ou de Ticket to Ride, juste des jeux qui tournent autour (Great Western Trail), qui profitent des rails (AuZtralia) ou qui en font un clin d’œil (City of the Big Shoulders). Parfois arrivent sur notre table un jeu qui s’affiche clairement comme un jeu de train, avec rails, locomotives et wagon. C’est bien de s’assumer.

The Grand Trunk Journey est un jeu édité par SpielworXX, issus de la réflexion d’un auteur fort sympathique et francophone, venant de la Belle Province : Claude Sirois, qui a auparavant eu la bonne idée de proposer une extension de Age of Industry sur la Belgique (et l’URSS) 😉. Les graphismes sont l’œuvre d’un artiste bien connu du milieu, Harald Lieske, dont vous connaissez les œuvres, telles que Dominion, Chateaux de Bourgogne, Die Macher, Catan, Las Vegas,… Saluons au passage Uli (big boss de SpielworXX) qui est un des rares éditeurs à nous proposer chaque année un jeu dans le premier semestre, nous permettant de nous nourrir avant Essen.

Dans The Grand Trunk Journey (GTJ pour les intimes 😊 ) vous participez au développement ferroviaire du Canada, qui visait simplement à relier Torronto à Montréal, mais qui finit par s’agrandir dans tous les sens par la récupération de compagnies secondaires. Vous êtes à la tête d’une de ces compagnies et cherchez à montrer votre talent pour prendre la tête de la Grand Trunk Railways qui regroupera toutes les compagnies.

Vous commencez sur une des 4 villes de départ disposant d’un terminal ferroviaire, avec une locomotive pouvant tracter un seul wagon, rempli d’une des ressources fournie par la ville. Chaque joueur dispose d’un paquet de carte (représentant un mix de wagons, lieux, actions), arrangés différemment pour chaque joueur (légère asymétrie mais incluant des plans de jeux différents). Vous piochez 5 cartes pour former votre main, reformée à chaque fin de votre tour dans un effet de recyclage de votre jeu (façon Dominion).

L’ordre du tour se définit en fonction de votre position dans « le calendrier », le joueur ayant le moins dépensé de jours (de points d’action en somme) sera celui qui agira (avec la possibilité de jouer plusieurs coups d’affilée). Il faudra donc veiller à une certaine économie dans vos coups afin de ne pas vous envoler dans le calendrier et regarder les autres jouer plusieurs coups d’affilée avant que votre tour ne revienne. Cette longueur entre deux coups peut être ennuyeux pour certains joueurs, « sortant » de la partie (au moins mentalement, si pas en passant sur son mobile), mais est-ce la faute du jeu ou des choix du joueur ?

Devant chacun se trouve la carte de la ville où votre train se situe, une locomotive (pouvant tracter de 1 à 4 wagons selon son niveau), d’un (ou des) wagon pouvant contenir une des 4 ressources du jeu avec un cube de celle-ci. Ce remplissage est obligatoire, car si un wagon est vide lorsque votre tour se termine, il part à la défausse.

A votre tour, vous pourrez (au choix) perdre un jour pour changer votre main (défausser les cartes de votre choix pour les remplacer) ou vous déplacer vers une autre ville en plaçant sa carte issue de votre main. Ce déplacement est l’action principale du jeu, car vous allez compter le nombre de sections de rails (ou de villes) que vous traversez pour en décompter autant de jours. Ce temps est réductible avec une carte action issue de votre main ou avec un train plus rapide, sans descendre sous le minimum d’un jour.

Une fois arrivé dans la ville (ou le port) qui contient un terminal (sans cela la carte de la ville n’est pas dans votre pioche), vous pouvez livrer la ressource transportée, pour peu que la ville en désire. Vous pouvez alors changer vos wagons vidés pour les remplacer par d’autres et charger les ressources proposées par l’endroit où vous vous situez. Pour cela, il faut que vous ayez un minimum anticipé votre voyage pour disposer du wagon ad hoc.

En sus de votre déplacement, vous pouvez jouer des cartes d’action, chacune ayant un impact en nombre de jour selon le pouvoir utilisé. Les cartes d’action sont les mêmes que les villes, mais que vous utilisez pour leur pouvoir. A vous de choisir si vous avez besoin de la ville ou de l’action, ce qui est parfois cruel.

On trouve entre autre action :

* Mettre plus d’une ressource dans un wagon : qui maximise les bénéfices d’une livraison

* Modifier deux tuiles de demande entre deux villes/ports : qui casse le plan des joueurs et facilite le vôtre

* Déplacer des ressources d’acier (blanc) d’une ville à l’autre : utile pour leur chargement

* Récupérer un wagon de votre défausse pour le remettre dans votre train : utile quand vous n’avez pas tiré la bonne carte pour recharger en ville

* Réduire de 1 jour votre déplacement : ne compte que pour les mouvements de votre train et pas sur les cartes d’action jouées dans le même tour

* Augmenter la puissance de votre train : pour qu’il tire plus de wagons (dépend du nombre de ressource Acier que vous avez transportées)

* Augmenter la vitesse de votre train : diminue de 1 le nombre de jours de déplacement (minimum 1), nécessite d’avoir transporté 3 charbons

* Construire un terminal : Ajoute l’accès à une nouvelle ville, incluant cette carte dans votre défausse (ou votre paquet pour celui ayant construit) et gagne 2 PV

* Prendre une carte de développement : leur type varie selon les partie, ils donnent un bonus au joueur (continu, à chaque tour ou une fois). En fin de jeu, cela rapportera des PV selon le nombre de bois transporté

* Valider un objectif : parmi les 3 tiré de la partie quand vous avez atteint le pré-requis pour disposer des PV

Toutes les ressources livrées restent devant vous durant tout le jeu et chaque groupe de 3 ressources de base (charbon/fer/bois) rapportent 3 PV, une bonne raison de varier les chargements. Par ailleurs, elles ont chacun leur intérêt. Le bois augmente la valeur des cartes de développement, le charbon permet d’accélérer votre train, le fer est la seule manière de créer de l’acier, l’acier rapporte 3 PV par cube livré et permet d’augmenter la puissance de votre train. Il va donc falloir organiser vos livraisons et rapidement tirer plus de wagon pour augmenter les PV sans additionner les jours.

Il existe en parallèle aux livraisons normales des demandes spécifiques, qui doivent avoir lieu à des dates précises du calendrier, pour des villes et des ressources spécifiques. Le joueur parvenant à calculer suffisamment bien ses déplacements et gestions de jours pour être le premier à livrer au bon endroit (qui doit peut-être être ouvert avec un terminal précédemment) la bonne ressource, recevra des PV bonus (de 3 à 7) pour son travail. Cela risque de vous mettre trop devant au niveau jour, faisant un bond pour passer avant les autres, en échange des PV. A voir au cas par cas si le rush est profitable, cela nécessite une bonne analyse de chaque joueur.

Dès qu’un joueur atteint le 36ième jour, la fin de jeu est déclenchée et les autres joueurs peuvent, s’ils le veulent, joueur une fois de plus. Chaque jour de décalage entre la position du joueur le plus loin et la vôtre représentera un PV de gagné. Restera a ajouter les PV associé aux développements (selon les bois livrés) et les combinaisons bois/fer/charbon, ce qui peut facilement représenter entre 40 et 70 PV de plus (une partie de découverte tourne sous les 100 pts).

Au final, The Grand Trunk Journey n’est pas exempt de défauts… ou en tout cas d’impression de défauts ! La gestion des jours provoquant un risque de longue attente d’un joueur est réel, mais est surtout lié à une mauvaise programmation ou choix du joueur (si on rush pour un bonus, on est prêt à prendre de l’avance). L’impression que sa main décide de ses actions n’est vrai que si l’on n’a pas anticipé ses coups suivants et ses priorités ou refusé de prendre un jour pour tourner sa main. Ces défauts se gomment avec l’expérience, car il y a une forte courbe de progression à passer pour atteindre un palier. Le problème, c’est qu’avec une seule partie vous laisserez certains joueurs au pied du mur, refusant de prendre leur matériel de grimpeur pour passer outre et voir la lumière depuis son sommet. Dur.

Certains regretteront qu’il n’y a pas plus d’affrontement entre joueurs (comme des blocages de ville quand quelqu’un y est), mais Claude Sirois a eu la délicatesse de nous expliquer que ces options ont été testées, mais provoquaient trop de fermeture et forçaient trop de coup de rotation pour que la ville se libère. Cette ouverture est donc largement voulue et issue des tests de développement. Une version française absente (même sur BGG alors qu’une version italienne existe) quand le développeur est un francophone est sans doute la seule vraie critique que l’on peut poser sur le jeu.

En plus de la gestion globale que vous devrez apprivoiser, il faudra comprendre les différences subtiles entre les sociétés (couleurs des joueurs) de base, car l’organisation des cartes donnent certaines possibilités directes à un joueur et pas à un autre. Il faudra en profiter vite et sans doute repérer les villes à ouvrir en priorité pour récupérer des cartes spécifiques pour votre développement. Cela n’est pas pour les débutants, mais pour le fine tuning des joueurs qui auront le bonheur de poursuivre l’aventure. Des petits « scénarios » de départ (d’autres villes que les 4 de base) sont aussi proposés pour varier par la suite les parties. Une délicate attention, mais qui ne touchera sans doute qu’une faible frange des joueurs.

La gestion du temps, des livraisons à date fixe, de sa main et des bonus divers est varié est exactement le genre de chose qui vous feront réfléchir et chercher le meilleur choix immédiat et à moyen terme. C’est un grand plaisir, qui aurait sans doute eu un plus grand écho s’il disposait en plus d’une version solo, qui aurait permis à ses fans de chercher la meilleure combo de développement.

The Grand Trunk Journey propose donc une courbe d’apprentissage sévère et façon poupées russes, qui plaira à ceux qui aiment combiner les options mais perdra une partie du public joueur en chemin. C’est dommage pour eux, car ceux qui feront l’effort de progresser vers les hauteurs du jeu découvriront que la vue est belle depuis le mont d’Iberville !

Une réponse

  1. Claude Sirois dit :

    Merci beaucoup pour cette review très détaillée. J’ai beaucoup apprécié que vous indiquiez que le jeu demandait un certain apprentissage, en espérant que ça encourage les joueurs à aller au-delà de la première partie.

    En ce qui concerne les règles en français je fais mon mea culpa. Je m’étais donné comme mandat de les traduire mais une chose menant à l’autre, je ne l’ai pas fait (encore). J’avais l’impression que les règles en français n’étaient pas tant en demande pour ce genre de jeu, mais des gens au Québec me les ont aussi demandés, donc je devrais peut-être m’y mettre! 🙂

    Merci

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