Sankoré : The Pride of Mansa Musa
Le début d’année 2024 est très très calme pour les nouveaux jeux Expert, d’autant plus que 2023 était parti sur les chapeaux de roue. Heureusement, un jeu (en VO) a sans doute sauvé le premier trimestre.
Sankoré : The pride of Mansa Musa est le dernier né de Fabio Lopiano et Mandela Fernandez-Grandon édité par Osprey Games en VO (et Super Meeple pour une future VF). C’est l’illustrateur vedette de ces 5 dernières années qui est aux pinceaux : Ian O’Toole.
Contrairement à ce que l’on peut imaginer (même auteur, illustrateur et époque/lieu), Sankoré n’est pas la suite de Merv. Il n’y a d’ailleurs pas grand point commun entre eux, hormis les concordances citées plus haut. Dans Sankoré, près un pèlerinage à la Mecque, Mansa Musa se rend compte de l’importance d’ouvrir une université à Tombouctou. Il mandate ainsi des recteurs (vous) afin d’ouvrir des classes, ramener élèves et professeurs, afin de les former en enrichissant le savoir (la bibliothèque) de la ville. Quatre matières clés sont mises en avant : Astronomie, Théologie, Mathématique et Droit.
Il y a ainsi 4 zones dans le jeu, associées à ces matières et chaque joueur a une école avec des classes de base dans ces 4 études, ainsi que son premier étudiant (spécialiste d’une matière via sa couleur). Mais il faut comprendre dès le début l’importance d’une zone du jeu : la bibliothèque. Il y a 3 étagères (des lignes) sur lesquelles ont va placer les livres colorés (des 4 matières) au fur et à mesure de leurs dépenses. En fin de partie, sur chaque ligne, on donnera 2 PV au type de livre le plus représenté, 1 PV au second (les égalités sont gérées au premier placé). Une fois la somme faite pour chaque couleur, on connaîtra la valeur en PV de celles-ci, que l’on appliquera aux Etoiles gagnées durant le jeu. Autrement dit, on va chercher à collectionner des étoiles dans la partie, mais leur valeur ne sera connue qu’en fin de partie, selon les livres placés dans la bibliothèque (position et nombre). 17 étoiles à 1 PV est donc moins rentable que 8 à 4 PV…
Connaissant l’objectif, toute notre partie va être guidée par la bibliothèque et son développement constant (interaction en diable). Pour y arriver, on va à chaque tour réaliser 2 actions différentes à choisir entre :
- Prendre ou rendre une faveur : Avoir un bonus en diminuant la place pour ses étoiles ou libérer un emplacement.
- Recruter un étudiant : Prendre un étudiant (d’une couleur spécifique) disponible en bout de file pour le placer devant la classe de 1ière année.
- Ouvrir une classe : Engager un professeur spécialisé pour qu’il donne un cours spécifique, qui sera placé dans l’arborescence représentant le cursus normal des étudiants.
- Diplômer un étudiant : Un étudiant reçoit un diplôme (accompagné d’étoiles) selon l’année où il stoppe ses études.
- Donner un cours : Cette action est la principale du jeu car elle permet d’activer l’une des zones du plateau.
Donner le cours consiste à faire progresser un étudiant d’une année à l’autre à travers une classe. Il activera la zone associée à la classe (matière enseignée) et offrira un bonus si l’étudiant aime cette matière (même couleur). Un bonus est accordé si on a développé cette matière (via l’action de Droit). Ensuite, on joue dans la zone associée.
Globalement, le principe est toujours le même : On additionne l’intérêt montré dans le domaine (nombre visible sous la file d’étudiants associé) commun à tous et le nombre visible sur son plateau personnel (nombre de fois que l’on a déjà fait l’action). Cela donne une valeur et indique le niveau de l’action que l’on peut réaliser. Cette action consiste à payer un frais d’entrée (en sel/or/livre) pour placer un de ses bâtiments et recevoir un bonus (souvent une ressource sel/or/livre/bonus de matière, parfois autre chose).
Outre permettre de nous développer, ces actions génèrent une économie circulaire pouvant aller d’une zone à l’autre. Chacune a son style et intérêt :
- Le droit donne des bonus activables pour toutes les zones et permet de récupérer des étoiles / livres non réclamés durant la partie. C’est une zone très utile en début et fin de partie, moins en cours de jeu.
- La théologie donne des livres et une case permet de générer un max d’étoiles en one shot. C’est une des deux zones que l’on peut ignorer dans le jeu, mais qui a son intérêt dans la collection de livres pour la bibliothèque et les mathématiques.
- L’astronomie représente le voyage de son chameau et permet de récolter du sel. C’est la deuxième zone de jeu ignorable éventuellement. Elle permet d’avoir du sel pour la Théologie et des bonus variés une fois que l’on a atteint les villes principales.
- Les mathématiques permettent de construire des murs autour des tuiles Sankoré qui offrent des bonus variés et offrent de l’or pour l’Astronomie. C’est la zone permettant de récolter le plus d’étoiles de fin de jeu via une notion de majorité dans les tuiles à prendre. Tous les joueurs qui ont ignoré cet emplacement ont largement perdu dans nos parties.
Une spécificité est lié à une configuration spéciale des étudiants qui doivent être 2 prêts à monter en classe, qui donne accès à des zones plus intéressantes. A côté de ces actions de base, on a quelques petits bonus comme l’inspiration qui permet de déplacer des étudiants ou prendre des livres, les objectifs à réaliser pour une étoile et un pouvoir bonus (inégal entre les cartes).
Huit décomptes auront lieu, activés par les joueurs, qui rapporteront des livres et des étoiles selon des majorités de zone. Durant la partie les joueurs vont débloquer des tuiles sankoré, présentent un peu partout dans le jeu, mais spécifiquement dans chaque zone (4 par catégorie d’enseignement). Quand 12 auront été activées, cela marquera la fin du jeu.
Chaque joueur collectera ses dernières étoiles selon les majorités des mathématiques et on sommera chacune. Le calcul des valeurs des livres et quelques maths donneront le vainqueur.
Si le jeu tourne aussi bien à 2 qu’à 4, la majorité des gens trouvent que 3 est le bon équilibre. Une part d’interaction suffisante et une partie qui ne se termine pas en quelques manches. C’est normal, a 4 ou à 2 il faut 12 tuiles sankoré pour en finir. Si l’on imagine que l’on en libère une par joueur tous les 2 tours, le jeu se terminera en 6 tours à 4, 8 à 3 et 12 à 2. Cela donne plus l’impression d’avoir drivé le jeu à 2 (mais possiblement trop long) alors que si l’on rate le train à 4 on se retrouve loin derrière.
Comme le jeu n’est pas le même à 2 (plus de maîtrise) ou à 4 (plus de chaos et avec une fin rapide), les avis que l’on peut avoir sur le jeu peut varier du tout au tout selon la configuration à laquelle les gens l’ont joué. On ne peut tirer que des remarques valables dans tous les cadres :
- Il est indéniable que l’on ne peut savoir dès le départ quel type d’étoile est la plus intéressante.
- Il est clair pour moi que le dernier joueur s’il peut dépenser plusieurs livres pourrait tout à fait faire basculer irrémédiablement une majorité.
- Il est notable que les mathématiques peuvent faire la différence.
Au final, Sankoré est un jeu spécial. Pas excessivement compliqué au niveau des règles, mais il intrigue par son côté « comment je peux le maîtriser pour scorer au mieux ? ». Les joueurs qui l’essaient à 2, et pensent avoir tout compris, risquent fort d’être dépassé et de sous performer lors de leur partie à 4. Il fait aussi partie de ces jeux modernes qui mettent facilement 15 minutes à installer et qui prennent la place d’un âne mort sur la table. Certains sont indifférents à ces détails, d’autres passeront directement leur chemin. Les premières impressions dépendront de la configuration et de la maîtrise ou pas des règles par les joueurs, mais j’espère que tous ces petits détails contre lui ne lui porteront pas préjudice. Car Sankoré est indéniablement le meilleur jeu expert du premier trimestre et risque fort de rester dans le haut du panier jusqu’à Essen (là, tous les miracles arrivent). A voir si le deuxième jeu de Fabio Lopiano qui arrive en 2024 dépassera en qualité ce Sankoré qui mérite de loin d’avoir une localisation francophone.