Pest
Je déteste quand je sors d’une partie avec l’impression que les choix de l’édition ont nuit à la mécanique du jeu. Avec le sentiment qu’il faudrait urgemment une V2 qui corrige toute une série de manquements pour que ce jeu qui m’a plu puisse avoir plus de lumière et ne soit pas balayé par les critiques sur la production. Je déteste que l’on parle plus du matériel que du plaisir de jeu et même si j’essaie de passer outre, force est de constater que cela n’est pas toujours possible.
Pest est un jeu édité par Archona Games via Kickstarter (3.600 pledgers) que l’on doit à Thomas Nielsen et Kai Starck qui ont déjà œuvré ensemble sur Vejen et une extension de Magna Romus. Les illustrations sont réalisées par Daniel Cunha et Sara Stanoeska qui ont ainsi chacun 5 signatures sur des jeux.
Sans surprise en voyant la couverture et le titre, Pest nous plonge en plein peste noire, où la prolifération de la maladie va se faire à travers les ports et les routes, pouvant ravager totalement une ville. Les camps de confinement et le travail des médecins de la peste vont limiter le nombre de malades sur le territoire, mais il faudra encore les mettre en quarantaine et les soigner avant de les voir retourner travailler (dans la capitale ou dans nos entreprises). En cela Pest est magnifiquement dans le thème et rien à lui redire.
Le jeu se déroule en 3 ères chacune composée de 2 années (donc 6 manches). Chaque manche vous propose de placer de 2 à 4 meeples qui feront chacun 2 actions. Alors, je sors ma calculette et j’annonce un total de 36 actions par joueurs pour l’ensemble de la partie. Comme on joue de 1 (solo) à 5 joueurs et qu’une réflexion intense aura lieu pour chaque joueur, il faudra compter facilement 45 minutes par joueur (donc au moins 3 h à 4) avec un ressenti au moins égal (voire plus avec un joueur AP).
Chaque manche débute par une carte de peste qui ajoute 1 ou 2 malades sur tous les symboles indiqués sur la carte piochée. S’ils arrivent sur un bâtiment qui vous appartient, il file directement en quarantaine. S’ils sont 4 sur une ville, ils la détruisent et se répandent dans les villes voisines. C’est très contrôlable au début, mais après c’est la déferlante. Le soucis est de l’ordre de la manipulation, car il faut en ajouter partout et être rigoureux pour ne rien oublier.
Une carte d’aide est révélée, qui va offrir un peu de ressource, selon son positionnement sur la piste d’influence du jeu. Cette piste organise aussi l’ordre du tour à chaque manche et offre des bonus plus on y progresse (et des PV de fin de partie).
Vient ensuite, chacun son tour, la pose, sur son plateau personnel, d’un assistant dans une grille 3X3 qui indique en abscisse et ordonnée (cela vous rappelle les cours de math, hein ! 😀 ) les 2 actions qu’il pourra réaliser. On ne place pas ses assistants dans une même case et on aura 2 assistants en Ere 1, puis 3 en Ere 2, 4 en Ere 3, augmentant chaque fois notre réflexion. Les actions des colonnes sont les plus puissantes et on aurait voulu pouvoir les croiser, mais on veillera surtout à ne pas perdre les actions secondaires (parfois irréalisables). Les actions du haut peuvent être diminuées (par des malades en quarantaine) ou améliorées (par des jetons potions). C’est une gestion toute simple, mais qui oblige de se projeter dans les 2 à 4 meeples à placer durant les rounds et cause évidemment de l’AP.
Les actions possibles sont :
- Déplacer son médecin : Il faudra payer du pain pour attirer ( !?) les malades dans sa quarantaine (le plateau a 3 place + 4 qui vous donnent des malus, puis c’est le cimetière avec des PV négatifs) sur toutes les zones où l’on passe. On pourra laisser son camp de confinement en chemin, pour éviter de dépenser du pain, mais aussi pour construire plus tard. On récoltera une ressource de l’endroit où son médecin s’arrête.
- Construire : Chaque joueur dispose de plusieurs bâtiments que l’on place sur le plan (moyennant bois et pierre) et qui produiront des ressources une fois des personnes soignées envoyées dedans. Ils rapporteront aussi des PV de fin de partie et de l’influence selon la taille de la ville. L’autre option est de construire dans la capitale, sur base de bâtiments communs aux joueurs, qui collectent de suite des PV et de l’influence.
- Produire : On récolte les ressources associées à chaque bâtiment en activité et selon les gens soignés.
- Inventer : On dépense des jetons potions pour acheter des inventions qui donnent des effets continus très variés. Trois places seulement pour les stocker et certaines ont un endroit fixe. On écrasera des inventions par d’autres pour faire de la place et toucher des PV.
- Soigner : Le moment de sortir des malades de quarantaine en dépensant les herbes nécessaires.
- Assigner : Les personnes préalablement soignées et disponibles sont envoyées dans les bâtiments de production ou dans la capitale pour toucher un bonus et se battre pour la majorité de fin d’ère.
Avec ces actions si l’on remplit l’objectif de l’Ere en cours, on fait avancer un marqueur d’objectif d’Ere, qui nous apportera des PV en fin de partie. Quand tout est fait on touche l’autre type d’objectif selon la hauteur de ses réalisations. Comme tous les objectifs sont visibles dès le début du jeu, on peut aisément planifier son développement en conséquence (que ce soit pour ceux de pleine partie que pour ceux de fin d’Ere). Les joueurs ayant placé le plus de gens dans la capitale recevront de nouveaux bonus, qui varient de partie en partie (une carte tirée au début).
Une fois tout terminé, on score des points sur plusieurs plans (constructions, personnes soignées, ressources,…) et le meilleur l’emporte d’une poignée de points sur le suivant.
Franchement, toute la mécanique fonctionne et offre un beau niveau de réflexion et de développement avec peu d’actions immédiates mais qui donnent le sentiment de faire des trucs utiles. Une pression possible sur l’apparition des malades et le besoin continu de ressources nous oblige à nous organiser au mieux et à prévoir les futures actions. Les actions secondaires pouvant être perdues, on cherche à rentabiliser chaque coup. Donc, tout bon…
Sauf que… Il y a plein de soucis d’ergonomie ou de matériel dans le jeu. On commence par le mineur avec le manque de PV pour tous (beaucoup trop de PV négatifs et pas assez de positifs et encore on pourrait être 5) et de meeple verts (les malades – soignés) qui est plus aberrant et vraiment problématique pour le coup. On passe à la lisibilité des icônes, avec un matériel surdimensionné à cause de fluff et de belles images pas nécessaire, qui nécessite une table hors norme et empêche la lecture de tout ce qui est loin de nous. On passe son temps à lire pour les autres les cartes technologie ou relire les objectifs.
Le matériel Deluxe (la capitale) ne tient pas en un bloc, ne facilite pas la manipulation des gens envoyés à la capitale et masque les tokens de bonus récupérable. Jouez sans ! Mais le pire de tout est cette fichue carte noire avec des chemins sombres et des rivières bleu profond. Moralité, c’est illisible à moins d’avoir le nez dessus et on cherche à chaque fois où est la route ! Alors que cela ne se justifie pas. Je veux bien que le jeu soit un peu dark, mais là où une carte de nuit est acceptable pour un Black-Out Hong Kong, ici la peste ne frappe pas que la nuit ! Une carte pas nécessairement joyeuse, mais avec des chemins bien visibles (voire même des villes) façon Google Maps aurait été mieux venue. Le noir on l’avait déjà sur cette couverture en tons sombre sur noir…
C’est frustrant, car toute notre attention et nos remarques (pendant l’AP de certains) était tournée sur ce manque de lisibilité, d’erreurs de production et la facilité de le corriger à la base. C’en est au point que les joueurs de la table voisine nous disent à la fin que le jeu semble visiblement mauvais, et nous de les détromper et d’en vanter les qualités ! Alors qu’on a passé son temps à le critiquer… Un joueur me disait encore aujourd’hui qu’il continuait à penser à la partie et des erreurs qu’il a faites, aux coups qu’il voudrait faire, au plan qu’il a en tête. Et cela c’est signe d’un bon jeu, qui nous prend encore après la fin d’une partie.
Je croise les doigts pour que Philarmonix, le prochain jeu d’Archona Games, qui promet sur le papier n’ait pas les erreurs faites sur Pest. Car lorsque la qualité du jeu est là, les travaux de préparation sont bien fais par la maison d’édition, seuls les choix éditoriaux finaux pêchent, mais tellement qu’ils prennent toute la place dans le (dé)plaisir de jeu. Joie et frustration en un seul jeu.