Paris
La géographie a beaucoup apporté dans les intitulés de jeux. Si les pays sont souvent repris pour des extensions ou une partie du nom, les villes font un jeu sur leur simple nom. Si toutes les villes (réelles ou imaginaires) ont leur chance (Bruges, Hambourg, Catane, Florence), les capitales ont toujours eu un attrait supplémentaire (London, Bruxelles, Roma), surtout en Europe pour leur histoire et architecture. Ce qui est amusant, c’est que cette année, deux jeux viseront la même capitale…
Paris est la cible du dernier jeu de Michael Kiesling et de Wolfgang Kramer, deux poids lourds de la communauté ludique (71 jeux édité pour le premier, 239 pour le second), qui ont déjà œuvré ensemble pour Tikal, un de leur plus grand succès commun. On comprend au vu de leur qualité commune, et la finesse de jeux tels que Azul de Kiesling, que
Game Brewer ait décidé de prendre en charge leur KS, qui atteignit de magnifiques résultats. C’est Andreas Resch qui illustre magnifiquement le jeu, qui avait déjà travaillé avec Game Brewer pour Gugong.
Départ pour Paris au début du vingtième siècle, quand la « Belle époque » a vu l’érection de magnifiques bâtiments dans chaque quartier. En tant qu’investisseur, vous allez prendre possession de divers bâtiments pour montrer votre emprise sur la capitale française.
Après la mise en place des 6 quartiers, de l’arc de triomphe et de la roue extérieure des bonus (avec un matériel épais et de bonne qualité, soulignons-le), chaque joueur dispose d’une série de clés d’investissement, tandis que 3 piles de bâtiments à révéler sont à part. Chaque tour est fort simple :
* Révéler un des bâtiments : On n’en voit que le nom du quartier, pas son niveau (de 1 à 5 + 8), et on le placera sur le n° associé.
* (Dé)Placer une clé :
– Placer : Soit sur la banque d’un quartier pour recevoir de l’argent d’investissement, soit sur l’arc de triomphe sans argent pour être libre d’investir dans n’importe quel quartier.
– Déplacer : D’un bâtiment à un bâtiment supérieur, en payant la différence entre la valeur du bâtiment en cours et celui visé (la banque vaut comme un bâtiment 0). On ramasse alors la ressource liée (si présente) et active la carte (pour les 1 à 3).
Les ressources ramassées servent à construire le bâtiment 8 (un bois pour gagner 2 PV), mais surtout les monuments (valant de 9 à 16) et permettant de transformer les étoiles ramassées en PV.
L’intérêt de prendre des bâtiments d’un quartier est de disposer en fin de partie du plus haut total de points du quartier (pour l’ensemble de ses clés) afin de gagner des PV de majorité. Le truc intéressant est que ces PV ne sont pas fixes. Il s’agit de cartouches allant de 20 à 10 PV pour le premier, qui seront placé dans un quartier lorsqu’un joueur mettra une quatrième clé sur un bâtiment d’un quelconque quartier. Comprenez bien : Je mets la 4ième clé sur La Villette, où je n’ai qu’une clé et donc peu de chance d’être majoritaire, ce qui me permet de mettre le cartouche 20-10-5 PV sur Montmartre où j’ai déjà le bâtiment 8. Cette gestion est superbe niveau retournement et donne tout l’intérêt dans le positionnement de la quatrième clé d’une zone.
Les 3 premiers bâtiments de chaque quartier permettent au premier à les visiter de récolter des étoiles (PV si l’on construit des monuments) mais surtout d’avancer sur la roue extérieure des bonus. Un Pion Bonus (il n’a pas d’autre nom) va pouvoir avancer jusqu’au bonus de son choix. D’autant de case qu’il le souhaite, mais toujours vers l’avant. La tuile bonus est récupérée derrière son paravent et sera utilisée au moment souhaité par le joueur (quand il a besoin de dépenser les ressources qu’elle représente ou pour réclamer les PV circonstanciels associés).
Ces tuiles sont fortes, très fortes et représentent en fait une bonne partie (pour ne pas dire la majeure partie) des PV du jeu. Une fois récoltées, ce sont les seuls PV que l’on maîtrise par soi-même, car les PV de majorité dépendent du placement du cartouche (qui peut être fait par autrui) mais aussi des monuments construits au dernier moment.
Cela implique alors une course aux bâtiments 1-3 durant une bonne partie du jeu. On essaie de trouver un bâtiment 1 dans un quartier (chance du tirage) où l’on place sa clé pour y être en premier. Ensuite, on espère que le bâtiment 2 sortira vite pour y déplacer sa clé, libérant le bâtiment 1 pour une autre clé (de préférence une autre à soi). Ainsi, on passe de bonus en bonus, faisant avancer son pion vers la victoire en le cumulant.
Lorsque tous les bâtiments sont posés, on peut, à la place déplacer des clés, choisir un jeton de fin de partie, qui représente de l’argent, des ressources ou des PV. On les utilise quand on en a besoin et lorsque tous seront pris, cela signifiera la fin de partie, après un dernier tour pour activer toutes ses tuiles bonus encore en stock.
On trouve 3 moments dans le jeu.
* Lors du premier tiers, on va tirer des tuiles en priant de trouver des bâtiments 1 ou 2. On placera ses clés sur les banques les plus rentables (5 à 7 francs) en premier pour stocker de l’argent à défaut. Comme il est dur de ne pas s’arrêter pour prendre des ressources avec les tuiles bonus, on progressera au moins d’un tiers de la roue, mis on peu passer outre si on est pressé.
* Au milieu du jeu, la pioche est moins importante (elle ne fait que rajouter des tuiles) car on a déjà des clés en jeu et des options. Bien sûr, on ne crachera pas sur un bonus, mais ce sera opportuniste. Ce qui importe alors est de faire avancer son pion bonus en premier sur les tuiles importantes, pourvoyeuse de PV. Etre le premier à placer une quatrième clé est un bon objectif pour favoriser SON quartier.
* Dans le dernier tiers, il n’y a plus de bâtiment à placer et, si vous avez bien organisé votre jeu, vous serez celui qui compte faire le plus de déplacements de clés avant d’être à court d’argent ou de ressources. On organise alors ses déplacements pour activer ses tuiles bonus de positionnement tout en gardant un œil sur les majorités de quartier pour ne pas perdre les meilleures positions.
Paris est un drôle de jeu, on n’y maîtrise que peu de chose et souvent ce que l’on croit maîtriser n’est que fictif. La pioche des bâtiments ne permet pas de développer une stratégie, la récolte des bonus dépend largement des autres et le positionnement sur les tuiles (pour activer les PV des tuiles bonus) de ce qui est disponible.
C’est avant tout une mécanique développée par ses auteurs. Un truc qui fonctionne en tant que tel, pourtant il y a un petit quelque chose qui perturbe un joueur expert. L’aléatoire de pose des bâtiments n’apporte pas de saveur particulière, pas plus que les premières clés posées. Tout au plus on cherche à définir le bon rythme de récolte des bonus et les positionnements nécessaires de ses clés sur les bâtiments à activer pour leur PV. Non, ce qui choque vraiment c’est le fait de pouvoir activer en un seul tour toutes ses tuiles bonus récoltées et pas immédiatement lorsqu’on les sélectionne. On se goinfre donc de tuiles « pour plus tard », puisque tout ce qui est pris est enlevé à l’autre. On en fera bien quelque chose d’ici la fin du jeu, les activant puis déplaçant les clés devenues inutiles vers des bâtiments à meilleure valeur pour les majorités.
Comme Paris fonctionne aussi bien à 2 qu’à 4, qu’il n’a que peu de règles et que sa gestion est hyper simple, il représente un bon jeu d’appel pour amener les joueurs familiaux au niveau connaisseur. Il a un petit goût de saute-mouton avec sa progression toujours vers l’avant, avec fort peu de gestion de ressources. La dernière phase est un peu longuette et sera peut-être le trop qui fait retomber le soufflé en tirant en longueur des parties qui auraient pu se terminer à la pioche du dernier bâtiment suivi des tuiles de fin.
Si vous avez raté le KS vous risquez d’avoir rapidement une seconde chance avec la revente d’occasion, car certains auront misé sur le nom des auteurs mais seront d’un niveau trop expert pour y trouver un vrai challenge. Le malheur des uns fera peut-être le bonheur de votre portefeuille.