Tekhenu

Un prix décerné pour les jeux Expert par des Experts

Tekhenu

Je m’interroge. Quel est le temps que se donnent les éditeurs (pas les localisateurs) pour tester l’ergonomie, la lisibilité, les traductions, le matériel… avant de sortir leur jeu pour le public. Au prix actuel à la hausse, on pourrait espérer un jeu qui n’a pas besoin d’une extension pour être complet, où les problèmes ne se décèlent pas à la première partie. Peut-être le Covid a-t-il posé des problèmes pour rassembler les équipes de testeurs et les choix se sont-ils fait à distance ? Désormais, je commence mes parties ou mes lectures de règles avec un niveau de méfiance accru, prêt à la déception. Heureusement, elle n’est pas toujours présente.

Tekhenu est l’œuvre de Daniele Tascini (qui continue avec les jeux commençant par un T) et Dávid Turczi (qui sort pas moins de 3 jeux experts en 2020), édité par Board&Dice à l’international, tandis que Pixie Games propose la localisation francophone. C’est un quatuor d’illustrateurs polonais qui se sont occupés des dessins : Jakub Fajtanowski Art (le plus expérimenté dans le jeu et au magnifique portfolio), Michał Długaj, Zbigniew Umgelter et Alexander Zawada.

Dans Tekhenu, vous représentez des nobles égyptiens qui vont participer à la construction d’un temple dédié à Amon-Ra. Pour y parvenir, vous aurez besoin du peuple (de préférence heureux), de ressources (pour le temple et les statues), mais aussi et surtout de l’appui des dieux dans vos réalisations. Un grand obélisque central porte son ombre au fil de la journée sur vos rapports aux dieux. Vous serez jugés en temps et heure sur vos actes purs ou corrompus.

Le pitch étant posé, parlons immédiatement du point qui choque : l’obélisque. Placé au milieu du jeu, il est bien trop grand pour permettre une bonne vision du plateau. Point central du jeu, il finira, chez vous comme chez moi, dans la boîte avant la fin du premier tour. Dommage, mais passons outre.

Des dés sont disposés autour (!) de l’obélisque dans 6 zones qui représentent les dieux. Selon leur état de luminosité (ombre, pénombre, lumière), ils seront interdit (prise impossible), purs ou corrompus. Vous prenez un dé à chacun de vos tours pour le placer sur votre balance du côté pur ou corrompu, en activant au choix le pouvoir du dieu (lié à la zone où vous le récupérez) ou l’utilisez pour produire une des 4 ressources de base.

Joué en 16 tours de prise de dés, il compte une rotation de l’obélisque avec rechargement de dés tous les 2 tours, une comparaisons de vos plateaux de balance (redéfinissant l’ordre du tour) tous les 4 tours, et un décompte des PV tous les 8 tours. Les dés utilisés pour des ressources peuvent générer de la corruption si vous en prenez plus que ce que votre atelier peut produire. C’est parfois une bonne chose pour améliorer votre équilibrage de la balance.

Les 6 dieux sont influencé par la valeur de votre dé et vous permettront :

– De construire un atelier (contre du bonheur) pour améliorer vos productions de ressources. Une gestion de majorité par type de ressource (colonne) vous rapportera des PV lors des deux décomptes.

– De placer des statues pour le peuple ou les dieux (contre du granit), ces derniers vous donnant des ressources à chaque fois qu’un autre joueur (à 3 ou 4) ira l’invoquer, ainsi que des PV lors des décomptes selon le nombre construites.

– De construire des colonnes au temple (contre du granit et du marbre) pour gagner quelques ressources (selon le positionnement et l’ombre actuelle) et quelques PV.

– De construire des maisons autour du temple (contre du pain) pour maximiser les PV des colonnes, engranger quelques ressources et surtout augmenter votre population.

– D’augmenter le bonheur des habitants (contre du papyrus) a hauteur maximale de votre population, pour s’ouvrir des zone d’achats de cartes et gagner des PV lors des décomptes.

– D’acheter des cartes (contre du papyrus) selon votre bonheur.

Il y a 3 types de cartes :
• Les One shot : Blanche, à usage ciblé lors d’une action spécifique ou immédiatement.
• Les cartes permanentes : Beige, elles vous donnent un bonus continu ou des PV lors de certaines actions.
• Les décrets : Rouge, elles vous donnent des PV de fin de jeu selon certaines condition. Attention, seulement 3 pourront être scorés et seulement s’ils sont de type différents.

Les cartes sont sans doute le point de bascule des parties, tant leur force dans le jeu est importante. Disproportionnées, elles rendront votre jeu plus simple si vous tombez sur les bonnes à votre tour. Quand vous connaissez le jeu et les possibilités des cartes, n’hésitez pas à payer un papyrus pour faire une rotation de celles à disposition pour espérer un meilleur rapport de pouvoir. Les décrets particulièrement rapporteront parfois avec difficulté 10 PV tandis que d’autres vous feront gagner 21 PV « sans rien faire ».

La gestion de disponibilité des dés varie lors des rotations, mais il faut être premier joueur pour prendre les plus courus, d’autant que les zones ne sont pas rechargées à chaque rotation (seulement les 2 zones en pénombre). Il se peut qu’un dieu ne soit pas accessible durant 4 prise de dés, le temps qu’il bascule enfin en pénombre.

Il y a ainsi un risque de ne pas pouvoir prendre de dé optimum dans votre développement, voire de prendre un dé de dépit pour des ressources, n’ayant pas les moyens nécessaires pour activer un dieu. Si vous n’avez pas de carte beige pour faciliter vos options, il reste les scribes. Un scribe vous permet d’appliquer une modification de dé allant de -2 à +2. Mais surtout, deux scribes vous permettent de prendre n’importe quel dé (même interdit) et l’activer dans n’importe quelle zone de dieu (ou pour des ressources). C’est sans doute la meilleure manière de vous libérer des limites hasardeuses des dés. Ne pas avoir de scribe, c’est sans doute subir une part du jeu.

Une gestion aléatoire des bonus associé aux dieux activés existe et elle permet de modifier radicalement la zone d’importance des dieux, surtout celui associé au bonus de scribe. Il est vivement recommandé de l’utiliser dès votre seconde partie pour ne pas voir systématiquement une charge sur le dieu associé au 6 (Bastet) qui est activé à chaque achat de carte. Vu la puissance des cartes, c’est l’assurance d’une rentrée continue de scribe… eux-mêmes très puissants…

Au final, Tekhenu nous propose une gestion des dés intéressante, bien que chaotique. Le déséquilibre flagrant dans les cartes est difficilement contrable et incite tous les joueurs à se focaliser sur les dieux associés (Population + Production de papyrus + Bonheur + Carte). Cela mène à un désinvestissement du granit et surtout du marbre, utile uniquement dans une zone du jeu. Ce déséquilibre est flagrant et seul des cartes beige permettant un gain supérieur dans cette zone du jeu peut y attirer les joueurs.

Malgré ces problèmes d’équilibre des zone de jeu, Tekhenu est plaisant à jouer, fluide (comptez 30 minutes maximum par joueur après la première partie) et nécessite d’avoir un plan B pour ne pas subir le jeu. La première place au premier tour peut être un objectif en soi si vous avez un plan de jeu. Si vous aimez plutôt jouer stratégique, vous risquez d’être déçu tant tout est sujet aux variations des dés tirés. Si vous aimez plus la tactique et la réaction aux modifications du plateau, vous serez plus à votre aise. Reste à savoir si on pourra trouver un jour une utilité à ce grand obélisque, mais n’en faites pas une idée fixe. 😉

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