Rome & Roll

Un prix décerné pour les jeux Expert par des Experts

Rome & Roll

J’aime qu’un auteur expérimente de nouvelles voies ludiques, qu’il mixe des styles existants et nous propose des choses incongrues. Toutes les sauces ne prennent pas, mais au moins elles ont le mérite d’avoir ouvert la voie et peut-être permettre l’émergence quelques années plus tard à une bombe ludique qui aura profité du travail d’un défricheur. Combien d’avions se sont écrasés avant celui des frères Wright ?

Rome & Roll est un jeu de Nick Shaw et Dávid Turczi édité en français par Super Meeple. Dávid Turczi signe une grande année avec pas moins de 4 jeux expert sur le seul 2020 (et d’autres sont déjà attendus en 2021), autant dire qu’après Tekhenu, l’obélisque du soleil, avant Excavation Earth et Tawantinsuyu on était curieux de voir ce qu’il proposerait associé à Nick Shaw, le spécialiste du solo. C’est Andreas Resch qui signe les illustrations en restant sur le thème des capitales d’Europe après Paris.

Dans Rome & Roll, les auteurs se proposent de faire le mix d’un jeu Expert et d’un Roll & Write qui gagne en popularité depuis quelques années. Profitant du nettoyage par le feu de Rome sous le règne de Néron, on propose aux joueurs de relancer les constructions tout en veillant à l’expansion de l’empire dans les pays voisins. Pour ce faire, vous aurez les armes d’un Roll & Write : un plateau plastifié (général et personnel), des marqueurs de couleur effaçables et des dés.

Après avoir jeté les dés (9 à 4 joueurs) chacun dans l’ordre du tour (puis l’ordre inverse) va choisir un dé. On jouera ensuite chacun son tour un de ses deux dés sélectionnés pour profiter des actions et des ressources proposées. Les ressources sont au nombre de 4 (bois, pierre, bijoux, brique) + 1 joker (le panier). Lorsqu’on les gagne sur le dé (ou ailleurs) on décide de suite si on les utiliser pour corrompre un de ses 3 conseillers (propre à chaque joueur) ou si on les stocke (écrit) sur son plateau.

Les conseillers permettent de disposer d’avantages spécifiques pour peu qu’ils aient été corrompus 2 ou 4 fois (la 5ième corruption rapportera 4 PV en fin de partie). En acquérir la « loyauté » vous incite à utiliser la voie qu’ils facilitent et comme ils sont propres à chacun, cela permettra de varier les parties en changeant simplement de plateau initial.

Certaines actions prises par le jour nécessitent des symboles spécifiques sur les dés (ou la dépense d’un sénateur préalablement gagné), tandis que d’autres sont sans symbole associé. On veillera donc à choir ses dés selon les actions que l’on vise lors de son tour. Les possibilités sont :

* Construire : « Marteau » ou « Équerre » permettent de choisir un plan (libre ou utilisé) que l’on dessinera sur le plan de Rome en respectant quelques règles de placement.

* Lever des légions : « Étendard » permet d’activer jusqu’à 3 bâtiment de guerre (pour peu qu’ils soient construits) pour engranger des légions.

* Conquérir : Aucun symbole nécessaire pour prendre possession de colonies dans les pays limitrophes. Il faut avoir une armée plus grande que les défenses des lieux à conquérir et d’y laisser une légion par colonie. On y gagne de la gloire (PV).

* Expansion : « Marteau » pour faire des routes vers les colonies conquises et gagner des points en histoire (PV) selon la distance de Rome.

* Taxer : Aucun symbole pour récupérer des ressources de vos colonies reliées par des routes à Rome.

* Commercer : Transformer 3 ressources identiques (ou bijoux en tant que Joker) en argent.

Chaque action a ses spécificités, ses alinéas qui permettent de gagner ou donner des ressources diverses, qui rendent le jeu plus expert (ne serait-ce que dans ses explications) que connaisseur. Les bâtiments sont tirés au sort (parmi certains types) pour assurer une rejouabilité forte car ils ont chacun leurs propres conditions de placement, effet de pose, effet d’activation (quand on construit à côté d’eux). La forme des constructions vous rappelleront Tetris et on écrira dans leur emplacement leur nom en deux lettre pour les définir.

La constructions des temples permettent de gagner la faveur d’un dieu, sorte de bonus utilisé en one shot au besoin. La fin de jeu est déclenchée quand 4 objectifs de Néron (les cases bleues) sont atteintes (en cumulant les unités associées en coloriant la ligne sous la case), chacun rapportant des PV (dégressifs). Dès que la quatrième carte est récupérée, on termine le tour et on en fait un dernier.

Le scoring se fait alors sur base de toutes les pistes en bas du plateau du joueur, plus les cartes Néron, les conseillers « loyaux » et les conditions de PV des bâtiments qui vous appartiennent et en disposent. Avec sa profusion de choix et son scoring à voies multiples, Rome & Roll fleure bon le jeu d’excellence, pourtant tout n’est pas rose…

– Le matériel : Les marqueurs laissent des traces sur le plateau et vous serez tenté de frotter plus fort pour les faire disparaître. Ce faisant, vous userez la « gomme » des marqueurs qui laissera des morceaux derrière son passage. On aurait préféré des feuilles de papier, mais vous pouvez aussi replastifier maison, utiliser d’autres moyens d’écriture ou faire des photocopies des plateaux.

– La lisibilité : Les constructions se bornent à une forme de plusieurs cases, à votre couleur, dans laquelle on indique en deux lettre le bâtiment associé. Cela n’est pas très clair et oblige à aller voir dans la liste des bâtiments disponibles ce qu’ils représentent, quels sont leurs pouvoirs lorsqu’activés. On aurait préféré des formes physiques de « Tetris », représentant réellement le bâtiment, sur laquelle on aurait placé notre fanion ou cube. Cela aurait signifié plus de matériel dans la boîte et sans doute un peu plus cher. Il est possible de le faire par soi-même, voire le « deluxifier » avec une imprimante 3D.

– Les ressources : Malgré une francisation de tout le matériel, les ressources notées en une lettre sont restées W(ood), J(ewel), S(tone), B(rick). Cela n’est pas clair et était inutile et si on comprend que B(ois), B(rique), B(ijoux) posait un problème, il n’était pas nécessaire de faire une traduction littérale. B(ois), A(rgile), C(ollier), P(ierre) ne posait pas de soucis.

Ces problèmes sont inhérents au Roll & Write et le jeu essuie les plâtres de sa tentative de cumul des genres. Sa partie mécanique de jeu est des plus intéressantes et si l’on s’accommode de ses défauts ou qu’on les sublime par un upgrade maison, il prendra alors toute sa valeur ludique. Si l’on se borne à ne voir que ses défauts, il se retrouvera vite sur les plateformes de revente ou d’échange.

Espérons que le prochain essai dans le domaine aura appris des problèmes soulevés par cette première pierre posée. Il faut toujours un premier pas dans un monde nouveau…

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