Weather Machine

Il y a des auteurs dont on parle souvent, qui deviennent une référence dans un domaine. Cathala pour sa productivité, Feld pour sa qualité, Turczi pour ses solos, Friese pour ses cheveux (heu….). Mais il en est un dont le nom fini par devenir un type de jeu, un superlatif ou même un adverbe : Lacerda. J’entends de plus en plus parler de jeux « à la Lacerda », qu’on a un sentiment « Lacerdien » sur un jeu, ou qu’un type de jeu est « trop Lacerda pour moi ». C’est fou comme en quelques années Vital Lacerda s’est fait une place dans le monde du jeu avec un style et une complexité remplissant tout un espace.
Weather Machine est le jeu de l’année pour Vital Lacerda, toujours édité chez Eagle-Gryphon Games avec Ian O’Toole aux manettes de l’illustration. On ne change pas une équipe qui gagne direz-vous et c’est vrai que c’est toujours propre et de qualité, en faisant un KS facilement pledgé par les bakers. Précisons que la VF est fournie via Philibert et que cela va piquer pour ceux qui n’ont pas voulu suivre le KS en misant sur la version boutique (on passe de 110 € + fdp sur KS à 159 € à sa sortie !).
Dans Weather Machine, on apprend que le Professeur Lativ (Vital à l’envers 😉 ) a inventé une machine pour réguler le temps. Hélas, par un effet papillon, cela le dérègle à un autre endroit du globe. Du coup, avec ses assistants (nous), il va tenter de remettre les choses en ordre et de corriger son œuvre. Le gouvernement se met de la partie et l’on va pouvoir travailler un peu pour tout le monde : Le gouvernement et sa machine, Lativ et ses expériences continues, nous-même en se mettant en avant dans le monde de la science pour viser le prix nobel.
Globalement, il y a 4 zones d’action pour les joueurs et à chaque manche on sera obligé de changer de zone pour prendre une case disponible. A part l’entrepôt qui a une règle spécifique, les autres zones proposent le choix entre deux actions et l’on peut faire les deux sur la placé la plus à gauche.
La ressource du jeu n’est ni l’argent, ni des cubes en bois, mais des tickets d’accès (vouchers) aux 4 zones (marchandise, gouvernement, labo, R&D), ainsi qu’un ticket bonus (joker) : la science. Ces tickets on les gagne en se déplaçant sur les zones d’action, avec un bonus si des joueurs sont placés à notre gauche. Ensuite, on en dépense d’autres pour agir sur place.
Comme d’habitude avec Lacerda, on a plein de chose à expliquer lors des règles, car chaque zone d’action fait un truc différent que le voisin. En gros, résumons les choses ici :
- Entrepôt : On y fait autant d’actions que notre stock de ressource le permet, entre :
- Changer l’ordre du tour
- Construire une salle de plus dans notre atelier
- Construire un robot (et toucher son bonus immédiat) – se stocke dans l’atelier
- Acheter un produit chimique – se stocke dans l’atelier
- Gouvernement :
- Activer une tuile bleue pour gagner son effet et des tickets représentés sur la ligne et colonne
- Acheter une tuile bleue pour une roue mécanique et un robot et gagner un livre pour nos recherches persos – accessoirement on travaille sur le projet de machine du gouvernement qui rapportera des PV aux joueurs présents.
- Labo :
- Dépenser un robot et un produit chimique pour faire des essais avec Lativ, façon savant fou
- Publier ses recherches (quand on a rempli une ligne de livres de son plateau personnel), ce qui permet de recevoir des bonus et de faire progresser la science face à un type de cataclysme. Dès lors, on devient une sommité dans un domaine et tout le monde peut vous citer dans leurs publications.
- R&D
- Dépenser un robot et un produit chimique pour préparer une machine de correction du temps et gagner un livre de recherche.
- Réaliser une percée dans un domaine (celui d’une précédente publication) et dépenser des roues mécaniques pour faire tourner la machine correctrice. Cela rapportera des livres de récompenses au joueur (3 = prix nobel) et des PV aux robots présents ainsi que par roue utilisée.
En fin de manche, si des conditions sont respectées (tous les robots présents dans la colonne du robot assistant de Lativ et une expérience disponible), la machine du savant (parfois fou) tourne, dérégule le temps et rapporte des PV aux joueurs (qui ont de la science en stock) qui y ont participé ainsi que de quoi remplir un livre.
A côté de cela il y a des objectifs à choisir (nécessitant une tuile d’investissement à récupérer), des pistes de développement à faire progresser (pour les PV et à activer avec ces tuiles d’investissement) et une règle pour déplacer Lativ jusqu’à son bureau pour avoir une production supplémentaire.
Quand on pose un peu les règles sur le papier, et qu’on regarde les illustrations fort jolies de O’Toole sur les cataclysmes, on sent bien le thème et la cohérence entre toutes les actions. Mais pour être franc, une fois dans le jeu on le perd de vue pour gérer ses robots, roues et produits chimiques, tout en visant ses objectifs persos et cherchant les combos qui vont vous permettre de faire un tour fort long. Ces tours de jeu à rallonge font qu’il y a des moments de downtime pour chaque joueur. Ce n’est pas continu, mais si un joueur connaît mieux le jeu que les autres ou sait vite en profiter, ce sera plus régulier chez lui. Du coup, les autres auront plus ce sentiment de « c’est bientôt à moi ? ».
Comme dans tout jeu de Lacerda, l’explication des règles prend toujours longtemps (comptez 40 minutes), surtout si l’on veut s’assurer que tout le monde comprend bien les possibilités du jeu et ses pièges (sinon en mode rush, il s’explique en 15 mais il y aura des infos qui viendront en cours de partie et des joueurs perdus dans les premiers coups). Pourtant, comme toutes les règles sont sur le plateau, il est plus simple à prendre en main qu’un On Mars ou Lisboa. Moins Immersif qu’On Mars, plus complexe et moins affiné que The Gallerist, je placerais globalement Weather Machine au niveau d’un Lisboa en plus agréable en terme d’avis purement personnel.
Par contre, une chose m’a frappée lors de mes parties, c’est la différence de qualité du jeu entre 3 et 4 joueurs. Certes, à 3 on a moins de downtime, mais on ne profite plus de la spirale positive apportée par les autres dans le jeu. Avec un joueur de moins, il y a moins de publications, moins d’activation des machines, que ce soit celle du gouvernement ou de R&D, alors que c’est moins le cas avec celle du labo (grâce à l’appui de Lativ). Hors, on profite des actions des autres pour se développer soi-même surtout avec les citations et certains objectifs personnels semblent alors plus difficile d’accès à 3, qui n’a pas de règles de compensation du manque. Les règles sont adaptées pour 2 joueurs et Turczi (encore lui) propose un module complémentaire pour 2 appelée « Saboteurs ».
J’aurais aimé avoir un impact plus important de la dégradation du temps dans le jeu, pour ramener les joueurs dans le thème et rendre les actions des joueurs plus importantes sur le climat. Une pression qui aurait pu être apportée par la dégradation du temps, un sentiment d’urgence de le « réparer », mais il n’en est rien et ce sera nu manque pour les amoureux du thème. Cela ne fera pas sourciller les amoureux de mécanique car dans ce domaine, c’est un vrai régal, avec les combos possibles et la nécessité de ne pas se voir dans le même tempo que le joueur précédent (qui vous soufflera toujours la place de gauche avec deux actions sous le nez).
Au final, Weather Machine est une belle réussite pour les fans de Lacerda. Complexe à la première partie, mais avec une belle courbe d’apprentissage et une plus grande facilité pour y revenir après des mois d’absence qu’un On Mars par exemple. C’est à mon sens (et jusqu’ici) le jeu post Essen qui m’emballe le plus. Sans doute pas le plus consensuel, mais le plus intéressant mécaniquement parlant. A jouer entre experts cependant.