Tawantinsuyu : L’empire Inca
Tawantinsuyu : L’empire Inca de Dávid Turczi édité chez Board & Dice (VO) et Pixie Games (VF)
Très attendu, ce dernier Turczi de l’année semble d’emblée prometteur de part sa différence. Lecture des règles en français grâce aux Pixie Games qui permettent une sortie presque simultanée VO et VF (ce qui est plus que rare), avec rapidement une drôle de sensation. Je ne sais pas pourquoi, mais c’est le rappel d’une activité enfantine (en maternelle) qui me vient à l’esprit : le Picotage. Les règles sont une suite de petits points qui, réalisés l’un après l’autre, sont sensés former un tout cohérent, une forme finale résultant de toutes petites actions. A la fin de la lecture, je me sens un peu perdu, ne me demandant pas tellement comment expliquer le tout, mais comment les joueurs vont réussir à ingurgiter autant de petites règles et de micro gestion.
Heureusement, à l’heure du dépunchage du jeu je découvre une GRANDE aide de jeu reprenant tous les points de règle. Elle s’avère rapidement nécessaire dès l’explication et les joueurs s’appuieront dessus pour tout le jeu, afin de bien intérioriser les micros règles. Outre une faute de frappe provoquant l’amusement, il ne lui manque que 2 informations (pourtant importantes) : la mort d’un villageois lors d’une conquête et la gestion de la pioche des dieux. Comme on s’appuie très fort sur cette aide de jeu dès les explications, il y a fort à parier que les premières parties de chacun seront entachées de ces omissions, en sus de l’acquisition en fin de tour d’un nouveau villageois.
Niveau règle pourtant, dans l’absolu, s’est simple : On place un ouvrier sur le plateau central ou on réalise deux actions secondaires différentes. La pose de l’ouvrier est dépendante d’une carte de dieu (qui n’est qu’un symbole associé au même sur le plateau) issue de sa main (ou de l’or), coûte de la nourriture selon l’étage et la position de son grand prêtre et rapporte des actions selon plusieurs facteurs (couleur, ouvriers de même couleur adjacents). Si la carte du dieu choisi est identique à une statue précédemment construite par le joueur, on empoche les ressources indiquées sur la carte. Les actions secondaires permettent de déplacer le prêtre et activer l’action d’arrivée (pour soi mais aussi pour les autres avec désavantage), de récupérer des ouvriers ou des cartes (dieu ou combat).
Rien de bien complexe si on prend le jeu dans son ensemble, si on voit le résultat du picotage avec du recul. Le soucis rencontré par les joueurs c’est d’avoir le nez sur le picot et de ne voir que les trous faits l’un après l’autre, s’appuyant non stop sur l’aide de jeu afin de ne rien oublier. Si petit à petit on s’en détache, faisant rentrer les étapes d’une action dans son esprit, ce n’est pas la sensation initiale et il faut compter sur plusieurs parties pour, j’imagine, se sentir plus à l’aise et prendre du recul sur le Coricancha. Sans doute la difficulté de s’immerger dans le thème n’aide-t-il pas à rendre logique les actions posées, donnant aux joueurs l’impression d’une mécanique abstraite (les dieux sont un symbole pas un nom) plus mathématique qu’autre chose.
Trois manches à durée variable, liées à la prise des villageois en fin de tour de chacun et aux guerres menées, qui pourrait théoriquement permettre de finir le jeu en 9 tours. Dans les faits et le plaisir de jeu ce sera certainement plus long, mais un joueur ne rentrant pas dans le jeu pourrait tout faire pour mettre fin à son calvaire plus rapidement. A chaque fin de manche un festival a lieu avec pleins de petits points (picotage) à faire l’un après l’autre pour relancer la manche suivante. En fin de jeu, on score le temple et le tapis que l’on a réalisé, les PV des bâtiments plus 2-3 autres bricoles. On termine globalement dans la même zone de points alors que l’on a été dans des chemins différents, et que l’on avait le même score avant le calcul final, mais les tapis ont fait la différence.
Il y a plein de chose à faire, plein de possibilités et le développement de chacun est intéressant. Il nécessite de bien réfléchir à ses coups, actuels et futurs, et de profiter des actions attendues des autres joueurs avec leur prêtre pour gratter des bonus. Temple, Combat, Bâtiment, Escalier, Tapis, Statues il y a un intérêt à tout et c’est un vrai avantage. Son soucis est de rentrer dedans et de passer outre son côté abstrait des symboles. C’est un jeu qui gagne à multiplier ses parties, mais il aura ce côté clivant qui feront qu’une série de joueurs n’iront pas plus loin que la première partie et ne voulant pas réitérer l’expérience. Il aura donc certainement ses fans et ses détracteurs, les deux avec une position forte et arrêtée. Il lui manque un peu de liant pour que la sauce prenne de suite chez tout le monde, ce qui est sans doute sa plus grande faiblesse. Complexe pour complexifier pour certains, fluide et profond pour d’autres, il y en aura pour tous les goûts. Sucré ou Amer ce sera à chacun de décider.