Crisis

Un prix décerné pour les jeux Expert par des Experts

Crisis

J’ai la chance de jouer aux jeux expert très tôt lors de leur diffusion. Parce que je ne suis pas réfractaire à l’anglais, parce que j’ai un bon réseau d’acheteurs de KS, parce que les éditeurs nous font confiance. Mais malgré cela il arrive que l’on passe à côté d’un jeu. Non pas qu’on n’en entend pas parler, mais parce qu’il n’était pas dans le bon rythme, qu’il y avait autre chose à faire, d’autres priorité. Ce qui est beaucoup plus rare, c’est que l’on rate la VO et aussi la VF. Cette fois, j’aurai mis 4 ans a enfin trouver un slot pour jouer à un tel jeu. D’un coup, je le regrette. Il est temps de lui donner de la lumière.

Crisis est un jeu de 2016, édité par LudiCreations, qui malgré son nom est une boîte Finlandaise, et localisé par Geek Attitude Games, qui malgré son nom est une boîte belge. 😊 Ce sont deux mathématiciens Grecs qui se sont alliés pour créer Crisis : Pantelis Bouboulis et Sotirios Tsantilas, dont le dernier jeu (Destin de Voleur) vient d’être localisé. Les artistes du jeu sont Anthony Cournoyer (que l’on retrouve sur Dicetopia) et Viktor Csete (qui a œuvré sur Twilight Struggle) et nous proposent un dessin un peu rond, cartoonesque qui dénote avec une histoire de crise financière.

Crisis nous propose de devenir des investisseurs cherchant à sauver Axia. Pays à l’histoire ancienne et légendaire, il est rentré dans une Union économique créée par ses voisins avant de voir son économie tombée en ruine, gangrénée par la corruption et la bureaucratie. Il est facile d’imaginer que la crise de la dette publique grecque a guidé les réflexions des auteurs, non ? 😊

Vous aurez 7 manches pour éviter la banqueroute au pays et tirer votre épingle du jeu en étant l’entrepreneur ayant le mieux réussi. Dans chaque manche, après avoir tiré une carte événement qui dépend de la santé du pays, vous placerez tour à tour un de vos 4 managers pour réserver une des actions possibles de développement. Ces actions sont évidemment pour la plupart à usage limité (un seul manager pouvant la revendiquer) et seront activées dans un ordre spécifique lorsque tous les managers seront posés.

Avec l’argent dont vous disposez (des millions d’ECU) et en sacrifiant parfois des PV, vous pourrez :

* Revoir l’ordre du tour

* Prendre des cartes de corruption : pour gagner des avantages

* Emprunter : ce qui vous coûtera des PV à chaque tour

* Engager des travailleurs locaux ou étrangers : pour faire tourner vos usines

* Construire des usines

* Acheter des ressources : qui seront transformées dans vos usines

* Vendre votre production au marché : pour refaire de l’argent et gagner des PV pour sauver le pays.

Vous positionner sera évidemment une estimation de vos priorités et de celles des autres. Disposer de la meilleure usine du tour, mais n’avoir personne pour la faire fonctionner ou se faire souffler les ressources nécessaires, et ce sera un coup inutile. Gérer son argent, qui ne sera dépensé qu’à l’activation des managers, mais aussi ses PV et leur grand impact (en fin de tour) nécessitera toute votre attention. Les cartes de corruption au pouvoir aléatoire vous aideront peut-être, à moins qu’elles ne freinent les autres joueurs.

Mais le jeu ne serait qu’un enième opus d’un placement d’ouvrier/résolution de contrat s’il n’y avait pas LA bonne idée : un objectif par manche à atteindre (avec ses PV) qui servira de balance sur la piste financière du pays. Chaque joueur qui a dépassé l’objectif fera remonter le marqueur sur le statut financier du pays, tandis que chaque joueur sous l’objectif le fera descendre d’autant, le mettant dans le vert/orange ou rouge. Si le marqueur arrive à 0, c’est la banqueroute, fin de partie immédiate, le vainqueur étant (s’il y en a) le joueur qui serait alors le plus au-dessus de l’objectif.

L’objectif grimpe un peu plus chaque manche, obligeant les joueurs à ne pas relâcher leur concentration et leur développement. Cela donne une vraie tension dans le jeu et oblige chacun à ne pas faire n’importe quoi, car les erreurs d’un joueur tire tous les autres vers le fond. On se prend à lever les mains au ciel annonçant des « On est foutu ! C’est la crise ! » car un ou plusieurs joueurs ont dû prendre des choix ne leur rapportant pas assez de PV pour combler le retard qu’ils avaient déjà avant la manche. Mais d’autres se révèlent pour ce tour de fins investisseurs, passant outre l’objectif et minimisant (ou annulant) les pertes des autres joueurs. Grisant !

Selon le nombre de joueurs et la difficulté que vous désirez mettre à la partie (Facile, Moyen, Dur), vous aurez des objectifs à atteindre vous menant plus ou moins vite à la banqueroute. Comme on se bat pour chaque bonne place sur le plateau et qu’il faut parfois une combinaison de 3 positions pour vous donner un tour suffisant pour dépasser l’objectif, vous devrez souvent revoir vos plans pour minimiser les dégâts et déjà préparer le prochain tour. Et si vous réservez un placement mais que vous ne pouvez pas, finalement, réaliser l’action associée (manque de ressource/or/travailleur), vous prendrez des pénalités pour la fin de jeu.

L’acquisition des ressources de développement fait chuter plus ou moins fortement vos PV et votre portefeuille et vous devrez choisir lors de la revente de votre production entre le marché noir et l’officiel. L’un ne vous rapporte que de l’argent (5 ECU = 1 PV en fin de jeu), tandis que l’autre mixe PV et ECU. Comme l’achat d’une nouvelle usine, de ressources ou d’ouvrier étranger nécessite des sous, vous en avez besoin chaque tour. Prendre un emprunt vous coûtera énormément (1 PV en le prenant, 1 PV par tour et 2 PV en fin de partie), ce qui vous incite à le rembourser si vous le pouvez, mais quand on est dans la dèche…

Prévu avec des objectifs pour 1 à 5 joueurs, il est clair qu’il atteint son apogée expert à 5, car les emplacements sont les même qu’importe le nombre de joueurs. Dans cette configuration, tout est important, tout n’est pas possible et le risque de banqueroute (même au niveau moyen) est fortement présent. Bien que les objectifs à atteindre soient adaptés au nombre de joueurs, les emplacements disponibles font toute la différence. Le stress est alors plus vite présent.

Comme on vient quelques années après son édition, plusieurs mini goodies (vu leur petitesse, le nom est plus exact que de parler d’extension) sont déjà sorties. Celle qui me semble la plus intéressante est The New Economy parue en 2018, qui renouvelle les usines et varie ainsi les possibilités de production.

Si vous êtes parfois 5 à vouloir chercher un jeu expert, si la possibilité de finir un jeu en 3 tours au lieu de 7 ne vous effraie pas, si vous voulez chercher un jeu qui vous propose une difficulté croissante, Crisis est le jeu que vous devez tester. Il m’aura fallu 4 ans pour faire ma première partie, je n’ai depuis pas envie d’attendre 4 semaines pour faire la prochaine ! Beaucoup de plaisir, malgré une banqueroute, comme quoi plaie d’argent n’est pas mortelle. 😉

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