Pax Renaissance – Seconde édition

Que faut-il penser des jeux qui ont droit à une V2 ? Cela signifie-t-il que la version originale était trop faible, un peu buggée, au style désuet ? La V2 est-elle juste un dépoussiérage ou fourni une amélioration qui rend le premier opus obsolète ? Quand on voit des jeux comme Pax Pamir, Iki, Endeavor on peut clairement dire qu’ils améliorent l’original. Pour un Château de Bourgogne la nouvelle DA n’apporte pas la lisibilité mais regroupe les extensions introuvables. Colons de Catane qui passe du bois au plastique restera toujours pour moi l’exemple de perte de qualité en V2. J’ai donc plus l’impression d’un retirage plutôt positif dans son ensemble. Cela tombe bien pour ce qui suit… 😊
Pax Renaissance, seconde édition, est toujours l’œuvre de Matt et Phil Eklund édité (anciennement dans leur boîte Sierra Madre Games, mais depuis vendu à..) par Ion Game Design pour la VO et très (très) attendu en VF grâce à 500 Nuances de Geek (annoncé pour mai 2022 et depuis reporté à Septembre). Josefin Strand remplace Phil Eklund pour les illustration de cette nouvelle version.
Dans Pax Renaissance vous allez représenter des banquiers qui vont investir leurs deniers pour manipuler, influencer le monde (enfin l’Europe au sens large) et les dirigeants les plus puissants qui le dirigent. La carte est divisée en 10 zones (des pays au sens large), 6 à l’ouest et 4 à l’est. Entre ces pays, une bande franche existe où se placent les Paons (les influenceurs) ainsi que les pirates qui écument la méditerranée et un peu plus loin. Les pays sont dirigés par des troupes militaires (les cavaliers) et des nobles (les tours) dans leur fort.
Comme tous les Pax, le jeu se terminera de manière abrupte (pas de tour supplémentaire ou d’équivalence d’action) une fois qu’un objectif sera atteint par un joueur. Il a 4 objectifs possibles, mais ils ne sont pas de suite activables pour celui qui aurait les conditions requises, il faut d’abord qu’une comète apparaisse dans la rivière de carte et que cette dernière soit achetée pour le rendre accessible. Bien sûr si un adversaire est en position de gagner sur un objectif, vous ferez en sorte d’acheter avant lui la comète pour rendre accessible un autre objectif, de préférence celui sur lequel vous êtes mieux placé que l’adversaire !
A votre tour de jeu, vous pourrez réaliser deux actions parmi :
- Acheter une carte de la rivière : Plus elle est loin dans la rivière, plus elle est chère et on laisse son argent sur les cartes précédentes, autant d’incitant pour le prochain joueur. On ne peut avoir que 2 cartes en main max.
- Jouer une carte de sa main : On pose sa carte à l’est ou à l’ouest de son tableau (nom donné à l’ensemble des cartes du joueur autour de sa base avec son visage de banquier) et on active le pouvoir de la carte associé à la pose (si on veut).
- Vendre une carte pour 2 florins : Pris de sa main ou de son tableau.
- Activer les cartes de l’Est ou de l’Ouest de son tableau : On le fait dans l’ordre de son choix, pour les cartes qui ont plusieurs pouvoirs on n’en active qu’un
- Réaliser une foire commerciale à l’Est ou à l’Ouest : Le joueur gagne 1 florin, puis prend l’argent placé sur la carte la plus à gauche d’une des rivières et va les donner à tous les influenceurs et pirates sur le chemin de la foire, depuis son départ jusqu’à avoir tout dépensé. Tous les pays traversés par la foire profitent du boost économique pour augmenter sa classe dirigeante (cavaliers ou tours) sur le pays (le rendant plus fort donc moins facile à attaquer).
- Valider un objectif et gagner
- Passer
Cela, c’est la partie simple des explications, car Pax Renaissance est rempli d’une multitude de petites règles à expliquer, car ce sont les cartes que l’on va acheter, jouer et activer qui vont faire en sorte que le plateau de l’Europe va évoluer, vous faisant gagner l’oreille des rois, de les marier, voire de les faire basculer en république ou dans une des 3 théocraties du jeu.
J’éviterai de rentrer dans le détail de toutes les actions possibles de peur de vous perdre en route, mais elles permettront de vous refinancer, de modifier le plateau de l’Europe, tant dans les pièces réparties que sur les rois qui le dirigent (les faisant passer sous influence d’un des joueurs), et de bloquer ou détruire les pouvoirs/cartes des autres. Vous allez ajouter des pièces en posant vos cartes et toutes les actions que vous réaliserez se feront dans le pays associé à votre carte, ce qui fait que certaines parties se jouent plus à l’est et d’autres à l’ouest de la carte, selon celles qui sont en jeu et des zones d’influence de chacun.
Le jeu ne manque pas de carte, ce qui fait que l’on n’a pas deux parties avec les mêmes choix, qu’il faudra analyser les possibilités qui s’offrent à vous dans la rivière pour développer votre jeu, mais aussi pour contrer l’adversaire. Car Pax Renaissance s’assimile facilement (les pièces aidant) à une partie d’échec politique où chaque action que votre (ou vos) adversaire réalise doit être analysée pour définir le danger proche ou plus lointain qu’il représente. A vous de veiller à disposer d’un contre, tout en vous montrant tout aussi dangereux à ses yeux. A ce petit jeu c’est à celui qui se sera donné le plus de moyen qui pourra l’emporter, si son opposant ne sort pas un coup masqué de sa manche.
Pax Renaissance n’est pas un jeu qui s’assimile en une partie, trop de pouvoirs semblent proches au début, faisant que l’on mixe un peu les impacts et que l’on perd vite de vue les objectifs à atteindre lors de son développement. Mais plus on y joue, plus on se rend compte que l’on a fait par le passé des erreurs de choix, d’action, ouvrant une porte à l’adversaire et lui offrant la victoire. Quand on croit qu’il n’y avait pas de moyen de contre, et que l’on reprend le fil du jeu, on se rend compte que l’on a fait telle ou telle erreur et que la partie s’est jouée à un moment clé. Comme aux échecs, vous ne devez souvent votre défaite qu’à vous-même (surtout à deux joueurs) et cela c’est plaisant.
A 3 ou 4 joueurs, on peut éventuellement s’en prendre à un même joueur, mais c’est souvent celui qui se montre trop fort sur une voie de victoire qui se trouve visé. Mais ces alliances ne sont temporaires que le temps d’une élection politique car un autre se montrera vite tout aussi dangereux sur une autre voie et l’ennemi d’hier est peut-être l’allié de demain.
Le jeu est vif et relativement rapide (1 heure est assez commun, voire moins si un joueur enchaîne les mauvais choix), facile à mettre en place et offre une sensation de jeu politique assez exceptionnel et cela même sans vraiment lire le fluff des cartes (toutes historiques). Jeu politique, guerre de religions, développement des républiques, collection de rois, mécénat, mariage de complaisance, assassinats politiques, campagne militaire ou soulèvement paysanne, tant de choses qui émailleront vos parties et qui fera se renverser des histoires pourtant bien tracées vers la victoire.
Par rapport à la première, la seconde édition propose un plateau rigide pour la mise en place initiale (au lieu de cartes volantes) et une retouche des pièces en jeu, toutes axées échiquier (pion, fou, tour, cavalier sans oublier les rois et reines en cartes 😊) avec une recolorisation (qui peut ne pas plaire aux amoureux de la V1). L’ensemble de l’ergonomie a été revue, ainsi que les illustrations. Cela en fait un jeu qui est remis dans son temps et c’est donc globalement une réédition plus que positive.
J’avoue volontiers que j’ai été conquis par la puissance de jeu de Pax Renaissance et je regrette qu’il ne soit qu’une réédition, non qualifiable pour l’EGA, car il aurait mérité plus qu’une place en finale. J’y retrouve toutes les sensations de mes parties d’échec quand j’y jouait encore en mode classé, la différence étant que la progression des joueurs est ici plus rapide. Niveau jeu de plateau, il boxerait plus dans la catégorie de Through the Age, dont il a les caractéristiques de développement du monde, mais il est de loin plus vivant et sans le soucis d’écraser un autre joueur. Même en anglais, il a pris de main de maître une place dans mon top 10 personnel. Je n’aurais qu’un regret, l’avoir laissé trainer 10 mois dans mon armoire avant d’y jouer (obligations EGA obligent). 😉