Hegemony, Lead your Class to Victory

Un prix décerné pour les jeux Expert par des Experts

Hegemony, Lead your Class to Victory

C’est rare quand un jeu dont j’espérais beaucoup, anticipais son arrivée, finisse par me donner satisfaction une fois enfin en jeu. Souvent, c’est moins bien, pas adapté, avec un matériel de faible qualité, qui fait que la déception est d’autant plus grande. Du coup, mes plus beaux coup de cœur sont presque tout le temps ceux que je n’attendais pas, la bonne surprise. Mais parfois, un jeu est tellement tout ce que j’espérais, qu’y jouer et rejouer ne fait que donner du plaisir. C’est le cas cette fois. 😊

Hegemony, Lead your class to victory est un jeu de Vangelis Bagiartakis (dont le jeu le plus connu est sans doute Kitchen Rush) et de Varnavas Timotheou, un économiste de premier ordre. Ils l’ont auto-édité via KS avec Hegemonic Project Games, mais c’est Don’t Panic Games qui en assurera la VF. Jakub Skop est aux illustrations pour son 3ième jeu (Tawantinsuyu et Nanty Narking).

Hegemony, c’est la lutte des classes. Capitaliste vs Ouvrière vs Classe moyenne vs l’Etat. Je vous les mets dans cet ordre spécifique, car (si vous ne jouez pas avec l’automa) ces classes sont celles utilisées selon le nombre de joueurs, l’Etat n’étant donc présent (avec tous ses pouvoirs) que lors d’une partie 4 joueurs. Il y a des morceaux de l’Etat en étant moins, car on a besoin du trésor public ou des entreprises publiques, mais c’est loin de tout ce qu’offre ce « clan ».

Je ne me vois pas ici vous expliquer dans le menu les capacités de chacun, car, comme pour un Root, chaque classe a ses propres règles de jeu et moyens pour gagner. Du coup l’explication des règles, surtout aux premières parties, risque fort d’être très longues (plus d’une heure s’entend). Même avec l’expérience, il faudra 45 minutes en mode express en comptant sur le fait que les joueurs intègrent vos explications (via leur GRANDE aide de jeu) lorsque vous passerez à une autre faction.

Le plateau comporte des zones pour chaque joueur, qui interviennent à leur niveau. Mais une chose est commune à tous : les 7 lois politiques. Un tableau avec 7 lois allant de A à C servent à définir les règles actuelles appliquées. Les C sont favorables au Capitaliste (taxes faibles, peu d’entreprises publiques, haut commerce international). Les A sont pour la classe Ouvrière (Soin de santé et éducation gratuite, grande offre de service public) et le B pour la Moyenne. L’Etat ayant son propre agenda politique selon les alliances du gouvernement, il évolue entre tout ceci mais a malgré tout des besoins visant à ne pas trop favoriser tout ce qui videra inéluctablement ses caisses. Des votes ont lieu pour changer les lois, lors d’une manche ou en fin de celle-ci.

Le capitaliste dispose d’entreprises commerciales et a besoin de travailleurs (ouvrier / employé) pour qu’elle fonctionne (s’il ne construit pas des usines robotisées) et fournisse des biens qu’il revendra à l’international ou en local. Son but est d’accumuler de l’argent dans son capital (sa plus grosse source de PV), donc de limiter les taxes.

La classe ouvrière veut mettre au travail ses meeple ouvriers et profiter de l’argent qu’ils génèrent dans les entreprises où ils travaillent. Il transformera cet argent en soin de santé, éducation ou bien de luxe pour faire avancer un marqueur de prospérité, source de PV. En sus, l’utilisation de syndicat par domaine d’activité lui fournira des PV bonus et de quoi influencer les votes de loi avec leur poids syndical.

La classe Moyenne a le cul entre deux chaises. D’une part, elle veut que ses employés soient content et génèrent des revenus (comme l’Ouvrier) et de l’autre, elle fait ses propres sociétés (plus modestes, des PME ou ASBL) pour générer ses propres biens à revendre comme le capitaliste. Elle n’a cependant pas les avantages de l’argent mis en revenu ou la puissance syndicale de l’ouvrier et devra ainsi évoluer avec plus de complexité.

L’Etat regarde un peu le jeu de haut. Il a ses propres crises à gérer tout en cherchant à se faire bien voir des 3 classes. Il accumule ainsi les PV en gagnant des points de Légitimité face à eux. C’est bien souvent en les aidant financièrement (aide à la construction, prime,..) qu’il se fera bien voir, mais une menace plane sur lui : le FMI. S’il dilapide trop les ressources du pays et doit emprunter (1 ou 2 bons selon la politique actuelle), il se fera tirer les oreilles et perdra sans doute trop pour espérer pouvoir l’emporter.

Il y a 5 manches dans la partie, qui se découpent en phase.

  • La préparation : Du nettoyage de la partie du tableau qui vous incombe, chacun a ses propres actions à suivre. On y trouvera en vrac l’arrivée de nouveaux travailleurs (naturel et immigration), le paiement des intérêts de ses dettes, les nouveaux accords commerciaux internationaux, l’agenda politique de l’état, les crises nationales que l’Etat devra gérer.
  • Les actions : Chacun son tour et 5 fois (1 par round), les joueurs devront défausser une carte de sa main (on commence la manche avec 7) soit pour le pouvoir de la carte, soit pour une de ses actions privée. Chaque joueur dispose de son propre sabot, donc les cartes sont adaptées à chacun.
  • La production : Les entreprises fournissent de l’argent à ses travailleurs (le propriétaire de l’entreprise Etat/Capitaliste/Moyenne paie) et reçoit en contrepartie le produit du travail. Les Ouvriers / Moyenne nourrissent ensuite les troupes et chacun paie ses taxes (sur le revenu, sur les entreprises, chacun à son taux selon la politique en cours)
  • Les votes : Chaque point pour lequel un joueur a sacrifier une action pour forcer un vote est discuté. Chacun se positionne (pour ou contre) et l’on tire 5 cubes d’un sac (seul l’état n’a pas de cube dans le sac). On connaît les grandes tendances et chacun pourra user de ses cubes d’influence (à enchère secrète) pour changer la donne.
  • Le PV : Chacun gagne des PV selon ses propres règles.

Mais plus qu’une simple juxtaposition de règles, Hegemony c’est une rencontre. Les joueurs se prennent rapidement à incarner leur classe et les invectivent fusent. Les clichés sortent pour illustrer la position de l’un ou de l’autre avec sa propre culture et références (les français à une table de belge risquent ainsi de rater des réflexions sur la gestion de l’état façon De Wever ou De Block 😊 ). On essaie d’influencer chacun dans ses votes pour que telle ou telle loi passe, on charrie sur l’importance de dépenser des influences pour basculer un vote et on pratique du double guessing pour arriver à définir quelle proportion d’influence on doit utiliser.

Toutes les actions, proposées par les cartes ou de votre faction, sont hyper réalistes dans le monde, ce qui aide à rentrer immédiatement dans le jeu. Le problème est qu’on voudrait utiliser ses cartes pour leur pouvoir ET utiliser ses actions de classe. C’est donc un déchirement à chaque action… Génial !

Le contre coup de cette immersion des joueurs est le temps de jeu. Puisque l’on vanne, influence, rigole, on prend plus de temps et on comptera entre 1h et 1h20 par joueur. Alors 5h de jeu, pour lequel on ne voit pas le temps passer, cela ne se case pas dans toutes les soirées. S’il faut en plus expliquer les règles, et compter le rangement, on est vite à 6h. Du coup, on est plus vite tenté de rejouer avec les mêmes personnes et changer de place à chaque partie. Ce qui nécessitera un petit moment d’adaptation, car on ne connaît bien une classe qu’en y jouant. Et comme on a tous envie de rejouer avec une classe qui n’a pas gagnée pour « faire mieux », on part déjà sur 8 parties pour faire toutes les classes deux fois… Plus de 40 heures de jeu donc !

Woawww… Cela fait longtemps que je n’ai plus souvenir d’avoir eu envie de passer autant de temps sur un seul jeu ! Et pourtant, après 3 parties et 12 heures de jeu, je suis impatient tant de rejouer avec les deux classes perdues et découvrir dans le détail la classe ouvrière.

Dans vos premières parties il y a fort à parier que, comme nous, le vainqueur de toutes soit le Capitaliste. Ce n’est pas tant l’impression qu’il est plus fort, mais que les joueurs ne maitrisent pas encore l’importance des lois et leur impact. Cela s’apprend avec le temps et la rejouabilité. L’Etat, s’il ne se fait pas mettre à l’amende du FMI dispose de PV constants et en font une classe forte. Les ouvriers doivent apprendre à se créer des syndicats, tandis que la classe Moyenne doit proposer des sociétés pour gagner en prospérité automatique. Si chacun ne joue pas avec ses propres forces, il favorisera une autre. Mais des contres et des alliances existent pour museler l’un ou l’autre, mais souvent à l’avantage d’un tiers. Un délicieux équilibre est recherché par tous, mais il n’existe pas ! 😊

Hegemony c’est la bombe ludique de cette année, un jeu 3.0 mais qui nécessitera trop de temps pour les joueurs lambda pour le mettre sur la table du salon de manière courante. Deux heures à deux c’est possible, mais rapidement on voudra ajouter l’automa pour avoir l’influence des autres classes ou ne pas toujours se limiter à Capitaliste vs Ouvrier, donc le temps évoluera.

Je ne vous parle même pas de l’extension qui permet d’avoir d’autres objectifs pour l’état (et diminuer un poil sa force) ou des cartes historiques. Non, pas besoin avant longtemps ! Très longtemps ! Si la VO est proche de la distribution, il faudra encore attendre quelques mois (entre Mai et Essen sans doute) pour la VF. Malheur à ceux qui n’ont pas pledgé, on sait qu’ils auront des remords… 😉

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