Golem
Il y a des choses étranges dans le monde du jeu. L’Italie a une brochette d’auteurs de jeu de talent qui font nos beaux jours et belles parties. Pourtant quand on visite une ville d’importance comme Sienne, il n’y a nulle trace d’un magasin de jeu moderne, tout au plus un vieux trivial poursuit au fond d’une papeterie. Pas plus de club de joueurs, tout au plus un café ouvrant ses tables de 20 h à 23h à ceux qui le veulent, trop court pour un jeu expert, tout au plus un Connaisseur. Et dire qu’en nos contrées on passe des heures sur les jeux des italiens… Nul n’est prophète en son pays !
Golem est le nouveau jeu de Flaminia Brasini et Virginio Gigli (la moitié d’Acchitocca) associé à Simone Luciani (qui se suffit à lui-même mais s’associe souvent à d’autres, comme pour Barrage) qui se retrouvent ensemble depuis Lorenzo le magnifique. C’est, comme souvent pour Simone, Cranio qui s’occupe d’éditer en VO le jeu, en attendant qu’Intrafin ne sorte la VF début décembre (il embarque sur le bateau le 30 octobre). Le graphisme a été mis entre les palettes de Francesco Ciampi et Roberto Grasso. Le premier signe son premier jeu, tandis que le second en est déjà à son quatrième jeu de Simone.
Golem nous plonge au 16ième siècle à Prague où le Rabbin Loew crée un Golem pour protéger les juifs des pogroms qui les frappent. Après l’avoir créé avec de la glaise et usé de chaudrons d’or, il lui place Vérité sur le front (Emet) et il peut être détruit en effaçant la première lettre (Met signifiant Mort). Nécessitant d’être contrôlé car sans pensée propre, il sert dans le voisinage pour protéger les juifs.
Après avoir lu des règles limpides, découpées intelligemment et avec des exemples clairs, le jeu ne peut qu’être sur une ligne bien tracée. On n’aura que 4 manches, chacune comptant 3 actions, pour montrer le meilleur de nous même et faire évoluer notre Golem sans en perdre le contrôle. La mise ne place comprend le choix d’objectifs personnels (draftés), d’un morceau de votre plateau (lié aux bonus des artefacts à créer) et de ressources de départ. Déjà ce premier choix est important, car il vous donne des voies de développement et la meilleure sélection de vos ressources est votre premier boost vers la victoire.
Le plateau principal comprend 3 chemins sur lesquels se déplacent vos étudiants chargés de contrôler les golems, ainsi que les maisons des juifs à protéger qui vous donneront des bonus si votre Golem s’y arrête. Votre plateau personnel comprend 3 pistes de développement, le Golem (l’argile – rouge), les artefacts (l’argent – jaune) et la bibliothèque (la connaissance – bleu). Enfin, une tour de répartition des billes (de 5 couleurs) les divise dans 5 lignes chacune associée à un type d’action.
Le tour de jeu se divise en plusieurs phases distinctes :
- Nettoyage : On relance les billes, enlève un livre et remplace les tuiles d’actions du Rabbin
- Le Golem avance : Chacun reçoit des déplacements obligatoires pour l’ensemble de ses golems, selon l’avancée de la piste golem et le personnage représentant le tour. Plus un Golem est avancé loin de son étudiant, plus ce sera problématique et s’il devait sortir de la rue il imposerait des pénalités de PV. Il faut donc se méfier de cela.
- La phase d’action : La phase principale où chacun pourra réaliser 3 actions : 2 billes à prendre et votre rabbin à placer.
- Le rabbin va se positionner sur une tuile d’action qui change à chaque manche et qui définira selon son positionnement l’ordre du tour à venir
- Les billes arrivent aléatoirement sur le plateau de distribution. Son choix est lié à 3 chose :
- Sa couleur : Toutes sauf la blanche fait avancer un étudiant dans une rue. Toutes sauf la noire servent à répondre à la demande du personnage du tour.
- Son positionnement : On active une action sur la ligne où on la prend.
- Son nombre : L’action activée apporte une meilleure production selon le nombre.
- Nouvel ordre du tour : selon la place des Rabbins
- Personnage : A chaque manche un personnage réclame une combinaison de billes pour offrir un bonus (payant) ou 3 pièces d’or.
- Production et Upgrade : On reçoit les ressources associées au symbole de main dans toutes les lignes où cela apparaît. On peut ensuite réaliser un upgrade dans un des domaines du jeu.
- Contrôle des Golem : Pour tous les Golems passés devant son étudiant il faudra payer la distance entre les deux en connaissance ou perdre 5 PV.
J’hésite à vous décrire toutes les actions centrales du jeu, les lignes des billes, mais cela reviendrait à rentrer dans trop de détail sans plateau sous la main pour vous les montrer par l’exemple. Mais comme de toute façon je ne pourrais pas vous décrire les 12 tuiles d’actions possibles du Rabbin, je ferai l’impasse, vous expliquant succinctement les grandes lignes des actions :
- Activer le(s) Golem(s) où il se trouve
- Améliorer les bonus du Golem et en construire de nouveaux (or)
- Améliorer la production des Artefacts et en construire de nouveaux (argile)
- Activer des zones de bibliothèque et acheter des livres (connaissance) qui s’activent façon Deus
- Copier une autre ligne d’action et monter en savoir.
La difficulté du jeu réside dans les 3 petites actions que l’on fait chaque tour, 8 billes et 4 rabbins sur l’ensemble du jeu, c’est peu quand on voit ses objectifs de début de partie ! D’ailleurs il serait vain d’imaginer tout faire si l’on a choisi des gros objectifs à chaque fois. Il faudra donc moduler ses choix initiaux ou prendre ses objectifs dans la même voie (chaque type d’objectif existe en 3 niveau de difficulté) si c’est possible (le draft c’est un peu la roulette). Mais ce qui est super, c’est que les auteurs ont pensé à valoriser les courageux qui tenteraient plusieurs voies en leur offrant un bonus s’ils y parviennent ! Encore un truc cool. 😊
Il ne faut pas manquer son premier tour, car vous allez mettre en place une mécanique de collecte de ressources (en fin de chaque manche, donc utile pour 3 manches) qui vous permettra d’avoir de quoi réaliser vos actions suivantes. Il faudra donc éviter de s’éparpiller et viser en premier les zones productives telles que l’artefact et l’avancée de l’étudiant, tandis que les premiers livres vous rapporteront immédiatement et peuvent faire plus en se superposant dans les tours suivant.
Mais s’il n’y avait qu’une manière de jouer ou une seule chose à penser, le jeu serai vite répétitif. Le soucis c’est qu’en peu d’actions vous allez aussi devoir gérer vos golems qui cavalent vite hors de portée de vos étudiants et perdre 5 PV par Golem hors de contrôle ce n’est pas une vraie option ! Améliorer vos Golems (pour payer moins quand ils sont loin ou limiter leur déplacement), les tuer (profiter d’une arrivée au cimetière pour un bonus) devra être utilisé avec attention. En créer de nouveaux sur la route où vous avez un étudiant d’avancé loin est la facilité de contrôle, mais coûte plus cher en argile… Et les activer loin sur la route est plus rentable que proche ! Dans vos premières parties vous risquez fort de freezer devant la palette de choix qui s’offre à vous ! C’est génial !
Et ce choix tactique à faire à chaque coup. Jouer le Rabbin pour prendre les meilleures tuiles (et peut-être une bonne place dans l’ordre du tour) ou récupérer une bille tant que l’action associée est présente ou offre une bonne rentabilité ? Choisir pour la couleur afin d’avancer dans une piste tout en visant la demande de la personnage du tour ou prendre la noire pour avancer deux étudiants et peut-être rentrer dans les productions de ressources en sacrifiant l’objectif de manche ? Passer pour espérer une meilleure répartition des billes après rejet dans la tour ou accepter de faire un tour d’action moyen mais certain ? Cela fait partie de toutes les questions que l’on se pose à chaque tour !
Et ces actions pour le Rabbin qui sont tirées parmi 12 à chaque manche (elles passeront toutes au moins une fois) qui ne permet pas de dire d’une partie à l’autre qu’il faut jouer en priorité telle tuile, puis telle autre (alors qu’elles n’arrivent pas dans le même ordre, ni les mêmes manches) évite d’avoir une « martingale » d’actions gagnantes. Pas plus que pour les cartes de livre ou même les tuiles de voisinage du golem ! Tout est fait pour vous proposer une rejouabilité énorme et éviter les coups attendus. Adaptabilité est le maître mot à Golem !
Si je devais trouver une critique à Golem ce serait le matériel (jetons connaissance, argile et argent) un peu chiche, qui me donne envie de le pimper pour plus de plaisir de manipulation. Mais surtout cette « décision » graphique de progresser dans la rue verte quand on prend une bille rouge ! Alors que la bleue avance en bleu, la jaune en… orange clair, la rouge est un soucis (et je me demande dans quelle mesure le jeu est accessible aux daltoniens). Si le rouge pour l’argile est cohérent, j’aurais adapté la rue dans les mêmes tons. Même type de réflexion sur la bille blanche qui est joker tandis que le livre noir l’est dans son domaine, mais je sais que je chipote ! 😉
Golem me semble le rassemblement d’une série de mécanique que les auteurs ont déjà utilisé, mais pour en tirer leur meilleure partie. Il est très ouvert, interactif dans la priorité de ses actions, serré dans ses moyens, tactique en diable, rejouable à l’envi, bref sans doute dans le top de ce qu’ont proposés les auteurs jusqu’ici ! Le bonheur c’est de savoir que la VF sera là pour les fêtes de fin d’année, en espérant qu’il y en aura pour tout le monde ! 😉