Faiyum

Un prix décerné pour les jeux Expert par des Experts

Faiyum

Une fois l’an on teste un jeu qui semble tout droit sorti du précédent millénaire. Graphismes rétro, pièces abstraites représentant une chose qui n’a rien à voir avec sa forme, règles sans référence au plateau,… Bref toute une série de choses que l’on trouvait il y a plus 20 ans dans nos jeux. Je pensais passer outre cette année, mais c’était sans compter sur l’homme aux cheveux verts.

Faiyum est le jeu que nous propose Friedemann Friese, toujours édité par sa boîte 2F-Spiele. Le jeu est un peu moins vert que d’habitude (tout en retrouvant sa couleur fétiche dessus), peut-être le fait de l’illustrateur Harald Lieske, quoi que ce dernier soit un habitué des jeux verts de 2F. Est-ce la conjugaisons de deux personnes actives depuis des années dans les jeux de société qui les a menés vers le style de Faiyum ?

Faiyum vous propose de participer au développement de la région avec son lac salé intérieur, après la construction d’un barrage vers le Nil permettant de réguler les crues de ce dernier et d’utiliser les anciens marais infestés de crocodiles pour en faire des champs cultivés. Des routes et des colonies vont rendre les lieux développés au détriment des champs et autres carrières.

Le plateau de jeu, la carte locale, se compose d’une série de cases situées de part et d’autre du canal, représentant des zones propices à l’extraction de pierre ou à la culture du raisin et du blé. Le barrage au sud permet de traverser le canal, tandis que plusieurs endroits sont dédiés à la construction de monuments et qu’une colonie existe de base. Les crocodiles bloquent les constructions sur les zones humides, mais ils seront chassés par les cultures.

On part avec une main identique pour chaque joueur et à chaque tour on choisira quelle carte utiliser. Un marché de 4 cartes, classées par n° (tous pairs pour éventuellement intégrer des impairs dans une future extension), permet d’acquérir de futures cartes pour développer la partie. Les règles tiennent à cela, choisir une action au choix parmi :

* Jouer une carte de sa main : Appliquer l’action indiquée, avec condition ou paiement, récupérer le bonus associé (ressource, argent, PV).

* Acheter une carte du marché : de 3 à 7 $ (pourquoi $ en Egypte bien avant l’invention du billet, ne me demandez pas 😊 )  avec une remise de 1 $ pour les cartes déjà présentes lors d’une précédente rotation.

* Reprendre des cartes : On touche 3 $ moins le nombre de carte restantes en main, on peut retirer du plateau jusqu’à 2 ouvriers (chacun offrant 1 $), on peut récupérer 3 cartes de sa défausse dans l’ordre visible (donc l’ordre inverse d’usage, LIFO) et payer 1 $ par carte supplémentaire récupérée. On retire ensuite 1 (ou 2 selon le nombre de joueurs) cartes du marché pour en piocher autant et les ranger par ordre croissant.

C’est tout niveau règles nécessaires avant le début du jeu. Avouez que c’est rarement aussi simple dans un jeu expert. Il y a cependant une série de choses à expliquer au cours du jeu, c’est l’action que peut faire chaque carte. Que ce soit celles de sa main initiale ou celles disponibles au marché. Elles sont toutes avec un pouvoir spécial unique (ou presque), parfois repris avec des variances sur 3 cartes (par exemple une version pour chaque type de ressource). Elles s’expliquent facilement grâce aux icônes claires qui la composent, mais au fil du jeu, un peu comme un Andor.

Globalement, vous pourrez faire des choses comme :

  • Produire des ressources (en chassant des crocodiles)
  • Faire des routes, ce qui rend les cases impropres à la production
  • Créer des colonies, des villes ou des ateliers
  • Améliorer des ateliers, des monuments
  • Récupérer des ouvriers, de l’argent
  • Réaliser des actions spéciales pour un maximum de PV

Je brosse ici très large, mais chaque carte a sa propre manière de réaliser ces choses et il est préférable d’arriver à acheter des cartes qui combotteront bien entre elles, comme une carte qui produit du blé en masse associée à une qui en utilise ou a besoin de beaucoup de ressources. Sauf que cela n’est pas simple car rien ne dit que des cartes combinables apparaîtront rapidement, ni que vous serez celui qui parviendra à les choper. C’est ce qui fait le plaisir du jeu et surtout sa rejouabilité, car impossible de prédire ce qui sera disponible lors d’une nouvelle partie et cela changera radicalement le développement du jeu.

La fin de partie sera déclarée lorsque 4 cartes de cataclysmes seront dévoilées, empêchant alors les joueurs de refaire leur main, les limitant à pouvoir jouer une carte ou en acheter une. Bien savoir gérer sa fin de jeu est un élément très important de la partie, car si la quatrième carte est révélée alors que vous n’avez plus qu’une carte dans vote main, vous fait perdre tout une série de points de victoire quand les autres les engrangeront avec une main pleine. C’est un peu compensé en offrant 10 PV au premier arrêtant de jouer (puis 6 pour le second, rien pour le dernier à 3 joueurs).

Il y a deux choses qui font tout le sel du jeu : La gestion du marché et la gestion de sa défausse. Le marché se gère comme dans Megawatts, en rendant disponible les cartes les plus faibles (les plus petits numéros). Cela permet de ne pas trouver directement des cartes puissantes, mais qui seraient inactivables (car trop tôt dans les constructions du jeu) et ainsi donne l’occasion aux joueurs de développer la région à un rythme « logique ». Quand lors d’une rotation (quand un joueur refait sa main) on retire la (ou les) carte la plus petite (ou déjà réduite), cela permet de poser une réduction à l’achat des autres cartes, mais fait parfois augmenter une carte présente (en intercalant des cartes à plus petit n°). Cela fait aussi disparaître prématurément et irrémédiablement des cartes lorsque 2 ou 3 joueurs récupèrent leur main à la suite. De la sorte il se peut que vous fassiez une partie sans aucune ville de créée (il n’y a que 2 cartes qui le permettent), modifiant ainsi une partie sur l’autre. J’adore.

La gestion de sa défausse vous oblige à dire au revoir à certaines cartes en les jouant en premier, acceptant de ne plus les récupérer dans les 3 cartes que vous prendrez en refaisant votre main (à moins de payer). Ainsi une carte nécessitant trop de ressource pour être jouée risque de polluer votre main (vous faisant perdre 1 $), tandis que celle que vous voulez absolument avoir en refaisant votre main doit être jouée dans les 3 dernières avant récupération. L’argent étant important pour le marché, mais aussi pour activer certaines cartes, vous devez l’utiliser avec intelligence et 1 $ de perdu dans votre main est parfois le dollar de trop.

Faiyum a un style vieillot, tant dans son illustration qu’avec ses pièces en bois qui sont loin de représenter une colonie ou une ville. Il a une mécanique qui reprend des principes de Megawatts (Funkenschlag pour les anciens 😊 ) avec sa rivière de carte, sans sa partie enchère qui ralentissait le jeu (et que je n’appréciais guère). La possibilité de démarrer rapidement une partie avec de nouveaux joueurs est rafraîchissant dans ce type de jeu, même si on perd 10 secondes pour expliquer chaque nouvelle carte (enfin chaque carte avec un concept d’action nouveau) qui arrive au marché. Sa rejouabilité est extraordinaire et le monde développé sera radicalement différent à chaque partie. La sortie des premières cartes fait toute la création du monde à venir et définira votre recherche des cartes suivantes pouvant combotter avec.

C’est peut-être un des risques du jeu, de voir un joueur pouvant mettre la main sur 2 ou 3 cartes réalisant un cycle complet menant à ressource – argent – PV et se contentant alors de jouer ces 3 cartes et de les reprendre en main durant presque tout le jeu. S’il est possible que cela arrive une fois, il est peu probable qu’une même combinaison revienne. Parce qu’il faut avoir la carte au début, qu’il faut l’argent au bon moment et que les autres joueurs vous les laissent. Quand on connaît les cartes et leur puissance relative, on anticipe mieux les combinaisons possibles et les cartes à évacuer, rendant les choses plus complexes à réaliser. Par ailleurs, il n’y a pas une mais des dizaines de combos possibles et voir un joueur en mettre une en place ne vous empêche pas de créer la vôtre.

Au final, Faiyum est sans doute la meilleure réalisation d’un jeu expert de Friedemann Friese depuis des années et se joue beaucoup plus rapidement qu’un Megawatts dès que l’on connaît les icônes des cartes. Interactif surtout quand on connaît les possibilités fournies, il donne envie d’y rejouer avant même la fin de la partie, pour voir comment se passera la suivante. Mal gérer sa fin de jeu est un piège dans lequel on ne tombe (logiquement) qu’une fois. Mais c’est finalement aussi frustrant qu’une fin de Megawatt en tant que dernier joueur, quand on a les moyens de poser des pions mais aucune place pour le faire.

Si je devais ne garder qu’un exemplaire d’un jeu de l’homme aux cheveux vert, pas certain que ce soit Megawatt, dont la longueur et la phase d’enchère me pèse. Faiyum est plus plaisant, se renouvelle dans chaque partie, et se remet en place (après une longue absence) sans perdre de temps dans la relecture de règles. A voir s’il sera possible d’avoir une version francisée (nécessaire pour la première lecture des cartes si vous êtes nul en anglais ou allemand) avant plusieurs années, voire (le rêve) de pouvoir retoucher un peu le style (ou pas) et le matériel afin de lui faire passer le cap du millénaire. En attendant, je profiterai de ma VO durant longtemps comme je l’ai fait de Funkenschlag. 😀

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