Goetia, Nine Kings of Solomon

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Goetia, Nine Kings of Solomon

Faire un jeu de société n’est certainement pas simple. Arriver à proposer une mécanique innovante ou au moins remodelée est de plus en plus complexe. Une fois la mécanique en place, il faut lui attribuer un univers (à moins que cela ne soit ce qui arrive en premier) pour qu’elle y soit complètement intégrée et que l’un supporte l’autre. Enfin, il faut proposer une illustration qui permette de rentrer dans l’univers et la mécanique d’un simple coup d’œil. Assez beau (subjectivité au maximum) pour attirer l’œil du public, assez spécial pour l’intriguer. Non, il n’est pas simple de faire un jeu de société.

Goetia, Nine kings of Solomon est le premier jeu du suédois Kristian Karlberg qu’il édite lui-même (toute la magie de Kickstarter) via le nom Demonic Games. Il a fait appel à Andrezj Masianis, un inconnu dans le milieu de l’illustration de jeux, pour le visuel. Inutile de se mentir, il propose ici une ligne graphique qui fera grincer des dents et fuir certains, tandis que d’autres salueront la différence par rapport aux produits « traditionnels ». Parti pris payant ?

Goetia s’intéresse au roi Solomon, qui aurait invoqué et emprisonné 72 démons, dont 9 rois démons. La Goetia est l’ouvrage qui reprend ces 72 démons, intégré dans le Lemegeton, appelé aussi La petite clé de Solomon. Nous sommes donc invités à faire pareillement que Solomon en invoquant et contrôlant des rois démons. Pour ce faire, nous aurons besoin de lieux d’invocation, de disciples (sacrifiables) et de ressources.

Le plateau de jeu se constitue d’une grille de cartes en 3×3, entouré de cartes avec des disciples et de lieux d’invocation et des pactes à signer avec les démons. Vous jouerez pour récupérer des démons (des cartes à pouvoir) et signer des pactes. Une fois 4 pactes signés par un joueur ou que le nombre de pactes disponibles ne soit inférieur ou égal au nombre de joueurs, ce sera la fin de partie.

Lors de chaque manche, les joueurs placeront chacun leur tour un de leur disciple sur une des cases d’actions du jeu, jusqu’à ce que tout le monde ait passé (plus de disciple ou pas les moyens pour les placer). On récupère ensuite ses disciples en fin de manche, pour peu qu’ils soient placés sur des cases uniques ou que toutes les cases liées aient un disciple dessus. C’est une gestion de ses meeples très intéressante, qui nécessite de faire des choix d’association pour ne pas se retrouver sans disciples (donc d’actions) lors de la manche suivante.

On commence la partie en récupérant chacun 3 disciples des cartes extérieures (l’endroit est important), puis on les place. L’impact varie selon l’endroit.

  • Sur les cartes centrales : on récupère des ressources (4 types de base, plus la noire en joker).
  • Sur les lieux d’invocation : on paie une ressource de la couleur de la carte adjacente et on se place plus ou moins vers le haut de la carte. Plus bas, les ressources récoltées seront meilleures. Plus haut, vous serez mieux placé pour récupérer les pièces (de « l’attention » des démons, chacune vaut 1 PV en fin de partie) en fin de manche. Surtout important s’il n’y en a pas pour tout le monde. Une fois toutes les attentions récupérées, on révèle un démon, retourne le lieu (en le faisant glisser) et y place autant de carte de démon qu’il n’y a de joueurs.
  • Sur les cartes extérieures :
    • Face initiale avec des Meeples de votre couleur : Vous payez 1 attention + chaque ressource visibles sur la ligne/colonne qui fait face à la carte. Visible = pas de meeple dessus ! Dès qu’un joueur récupère des ressources sur une carte, cela fera diminuer le prix. Si d’autres joueurs ont déjà pris leur disciple, chaque case manquante sera une réduction d’une ressource à payer. Vous prenez alors votre disciple jusqu’alors bloqué sur la carte et l’ajoutez à votre réserve, directement jouable à votre prochain coup. Si c’était le dernier disciple de la carte, elle est retournée et le meeple que vous veniez d’y placer redevient utilisable au prochain coup pour le placer ailleurs. Gros bonus !
    • Face retournée : On ne paie plus l’attention, juste les ressources de ligne, mais pour gagner un pack de ressources (bof) ou (pour les lignes) un pacte (mais cela coûte cher en cubes noirs).
  • Sur une carte de démon :
    • Avec démons : On paie les ressources visibles (choisies par le joueur le plus haut sur la tuile de lieu lors de sa rotation) et se positionne plus ou moins haut sur la tuile (comme pour celle de lieu). En fin de manche, chaque joueur récupèrera une carte (s’il y en a assez) de démon, avec avantage dans le choix au mieux placé.
    • Sans démons : On paie toutes les ressources (plus de cachées) de la tuile pour disposer d’une action forte (comme acheter un pacte ou recevoir 4 cubes noirs). Parfois il faudra sacrifier un disciple pour activer la carte, mais d’autres tuiles/cartes peuvent les ressusciter.

Les cartes récoltées (démons ou pactes) sont placées devant le joueur. On peut avoir 4 tas de cartes, dès que vous en récupérez une 5ième vous devrez donc recouvrir une carte existante. Chaque carte de démon vaut des PV (de 0 à 6), mais surtout elles ont un pouvoir spécifique (d’où l’intérêt d’être le plus haut sur un démon pour pouvoir choisir si plusieurs joueurs sont là) tant qu’elles ne sont pas recouvertes. Vous pourrez ainsi avoir un pouvoir continu (les rouge), récupérer des cubes chaque manche (les jaunes) ou avoir un emplacement privé pour une action unique (les noires).

A chaque partie vous piocherez les cartes des démons dans un paquet de 7 (par démon), assurant une grande rejouabilité et vous permettant même de décider de jouer sans une carte spécifique que vous trouveriez trop forte/faible à vos yeux. Les pactes (piochés dans un lot plus important en début de partie) vous offriront des PV variables sous condition, tels des objectifs.

Une grande simplicité dans les règle, s’associe à une belle réflexion d’usage de ses disciples, opposée au timing de ses choix. Va-t-on se placer en haut d’une carte lieu/démon pour s’assurer d’un choix plus vaste ? Va-t-on récupérer 3 ressources sur une case d’un bloc lié risquant peut-être de devoir activer la case adjacente ou de laisser son meeple pour le tour suivant ? Va-t-on de suite récupérer un nouveau disciple en payant plus cher ou vaut-il mieux attendre en diminuant encore le prix au risque de voir un autre joueur prendre la place ?

La mécanique de Goetia est belle et propose des réflexions intéressantes, surtout à 4 joueurs. Sa gestion de ressources est souvent tendue, passant de riche à pauvre en un seul disciple. La course à certaines positions ou actions est question de moyens et d’anticipation. Bref, intellectuellement c’est captivant. On peut cependant lui faire quelques reproches, tels que l’indifférenciation des ressources (qui ne sont que des couleurs de mêmes rareté et valeur de jeu) ; la répétitivité des tours (collecte – dépense) ; l’invisibilité du thème dans le jeu (on perd de vue les images et les démons pour n’y voir que des cases, des cubes et des pouvoirs).

C’est là que l’on se rend bien compte de la difficulté de faire un jeu homogène sur les 3 axes (mécanique, thème, illustration). Ceux qui aiment les mécaniques de collecte-dépense de ressource, cumulé à une gestion de combos de cartes y trouveront un jeu passionnant jouable avec des non-initiés, aux règles faciles à appréhender. Ceux qui veulent une immersion dans le jeu le trouveront fade, plaqué et la magie ne se fera pas. Ceux qui aiment que leur œil s’accroche aux illustrations risquent de déposer rapidement la boîte de jeu avec une mine de dégoût. Reste donc à définir quel type de joueur vous êtes pour prendre Goetia tel qu’il est et profiter de ses forces mécaniques et de son plaisir de jeu.

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